L'Institut Français en pleine action

A.Tallineau: «La culture française jouit d'un rayonnement mondial»

L'Institut français est devenu un des acteurs majeurs du rayonnement de la littérature française dans le monde. A l'occasion de Livre Paris, dont l'Institut français est partenaire, nous avons rencontré Anne Tallineau, sa directrice générale déléguée. Elle nous confirme le dynamisme qui anime l'institution qu'elle dirige et son rôle de plus en plus actif pour promouvoir le débat d'idées et la richesse de notre patrimoine éditorial. 

La culture est un "pouvoir doux", soft power, comme le qualifient les Américains. Auprès du Ministère des Affaires étrangères, l'Institut français est le bras armé du pouvoir de diffusion de la culture française dans le monde entier. A l'heure où les combats internationaux se portent de plus en plus sur le terrain des idées et des croyances, le rôle de la France s'intensifie dans le domaine de la "diplomatie culturelle". Concernant la littérature, cette action est primordiale, car les livres sont au premier plan, le réservoir de la pensée et de la culture. En pleine semaine de la Francophonie et au début du salon Livre Paris, nous rencontrons Anne Tallineau, directrice générale déléguée de l'Institut français, qui nous confie son engagement en faveur de la langue française, du dialogue interculturel et de la liberté. 

Viabooks : L'Institut Français joue un rôle de plus en plus important dans le rayonnement culturel français. Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs vos principaux champs d'action ?

Anne Tallineau : L'Institut français est l'opérateur du ministère des Affaires étrangères et du Développement international pour l'action culturelle extérieure de la France. Il est en charge, en partenariat étroit avec le réseau culturel français à l'étranger, de la promotion de la culture et de la langue françaises dans le monde, ainsi que du dialogue avec les cultures étrangères. Notre champ d'action est donc effectivement très vaste et couvre des secteurs aussi variés que le livre, les arts visuels, les arts de la scène ou encore le cinéma. Nous jouons également un rôle important pour favoriser le débat d'idées au niveau international. Enfin, une politique active de promotion de la langue française - et, au-delà, de la diversité linguistique - sous-tend l'ensemble de ces actions. 

A l'occasion du salon Livre Paris, quel sont les principaux rendez-vous proposés par  l'Institut Français ?

A.T. : Partenaire officiel de Livre Paris, l’Institut français y présente une programmation orientée vers l’avenir du livre et de la lecture dans le monde. A l’image de ses actions au quotidien dans les domaines de la langue française, du livre et des savoirs, l’innovation est au coeur du programme proposé au public de Livre Paris.
Dans le domaine de la  la bande dessinée, le public pourra explorer comment les dessinateurs se saisissent de la technologie avec les rencontres Coder le livre : la lecture réinventée?  qui associe les studios comme Red Corner, Small Bang, et l'initiative d'un homme de théâtre Joris Mathieu du Théâtre Nouvelle Génération le jeudi 17 mars à 19 heures pour une nocturne numérique. De même, le dimanche 20 mars, de 14h à 15h : Les nouvelles voies de la bande dessinée avec Marietta Ren (dessinatrice), Jung (dessinateur) et Charles Ayats (designer interactif).
Mais l'avenir n'est pas que technologique, il passe aussi par les initiatives de la société civile pour retrouver ses récits et ses formes d'expression, notamment dans le monde arabe. C'est l'objet de la rencontre sur les nouvelles voix de l'engagement arabe avec l'écrivaine et éditrice Maïssa Bey, la réalisatrice Hind Medddeb et l'auteur François Beaunes.
Le dialogue entre les littératures et les cultures sera l'occasion de quatre grands moments: 
-  une rencontre autour du renouveau culturel algérien avec Mathias Enard, Maïssa Bey et le critique algérien Ameziane Ferhani. 
- un trio d'écrivains autour des relations entre traducteurs et écrivains, avec le français Patrick Deville, l'algérien Waciny Laredj, et le coréen Kim Un-sule, samedi à 17h30. 
- un dialogue entre Frédric Boyer et le grand auteur coréen de l'intime Lee Seung-u, le dimanche à 12h30. 
- une plongée dans Pointe-Noire entre ombres et lumières avec Alain Mabanckou dont c'est la ville de naissance et Arno Bertina qui y mène un travail avec des enfants défavorisés.

On parle toujours des livres comme d'une généralité. Mais il existe de nombreux genres littéraires. Que pensez-vous du développement de certains, comme le roman graphique, la science-fiction, la littérature jeunesse...? 

A.T. : C'est ce à quoi les instituts français dans le monde sont très attachés. L'année dernière nous avons permis d'internationaliser la célébration du Cinquantenaire de l'Ecole des loisirs, en organisant des expositions du Vietnam aux Etats-Unis et en organisant des animations, lancements de livres, dans plusieurs pays autour de la littérature de jeunesse. Une opération comme le South Ken Kid festival à Londres s'est imposée comme un moment emblématique de la littérature de jeunesse française au Royaume-Uni.
Le polar français est en train de percer à l'étranger. Pour certains éditeurs, c'est le "nouveau polar" avec des auteurs comme Dominique Manotti, Hervé Lecorre, Pierre Lemaître.

La Corée est le pays invité de Livre Paris 2016. Allez-vous organiser des rencontres entre écrivains français et coréens ?

A.T. : Oui bien sûr, il y aura de belles rencontres entre Français et Coréens, avec notamment Frédéric Boyer, et Patrick Deville. L'invitation de la Corée du Sud à Livre Paris entre dans le cadre de l'année croisée France-Corée. Et le 23 mars s'ouvre l'année de la France en Corée. Un grand "focus France" sera organisé à la Foire du livre de Séoul avec de nombreux éditeurs et auteurs français invités. 
Les Coréens traduisent beaucoup de littérature de jeunesse et de BD, mais aussi de littérature. Et aussi beaucoup de livres concernant la psychologie, la place de la femme, le couple. C'est une question qui anime la société coréenne contemporaine, où les auteurs et penseurs français sont reconnus.

On a l'impression qu'un nouveau souffle anime l'Institut. Envisagez-vous de vous engager davantage auprès du grand public ?

A.T. : Cette action en direction du grand public est en fait quotidienne et permanente, puisque nous travaillons main dans la main avec le réseau culturel français (Instituts français et Alliances françaises) qui est en contact direct avec les publics étrangers. Il est certain qu'un événement tel que la Nuit des idées aide à valoriser cette action auprès du public français, et nous comptons bien poursuivre dans cette voie, en favorisant le "retour" en France des actions que nous menons ou soutenons ailleurs dans le monde. L'Institut français a aujourd'hui tout juste cinq ans d'existence et je me réjouis de la reconnaissance grandissante dont bénéficie son action auprès du grand public.

Vous évoquez la première édition de la Nuit des Idées qui s'est tenue le 27 janvier dernier au Quai d'Orsay, qui a remporté un immense succès. Allez-vous réitérer l'expérience l'année prochaine ?

A.T. : Cet événement a, de fait, connu un succès éclatant - plus de 4000 personnes, en grande majorité des jeunes gens, ont défilé le 27 janvier dans les salons du Quai d'Orsay pour y entendre les grandes voix de la pensée et de la création d'aujourd'hui. Les retours sont enthousiastes et les retombées médiatiques importantes. La réussite de cet événement pas comme les autres - à la fois international, interdisciplinaire et intergénérationnel - représente, pour l'Institut français, une belle consécration, celle de l'action qu'il mène au quotidien en faveur du débat d'idées. Nous réfléchissons actuellement aux formes que pourrait prendre un tel événement l'an prochain. Ce que je peux vous assurer, c'est qu'il ne restera pas sans suite : d'ores et déjà, une douzaine de "Nuits des idées" sont programmées dans le monde (à Prague, Buenos Aires, Tokyo, New Delhi...) tout au long de l'année 2016, à l'initiative du réseau culturel français et avec le soutien de l'Institut français. 

Avec tous vos relais internationaux, vous êtes un observatoire de l'état de la littérature et de la pensée françaises dans le monde. Que répondez-vous à ceux qui affirment que la culture française est en déclin?

A.T. : C'est une idée régulièrement véhiculée, d'abord par certains  médias anglo-saxons qui sont restés dans une certaine nostalgie des grands courants que furent le Nouveau roman et la French theory et restent imperméables à la diversité du monde. C'est aussi un cliché invérifié qu'utilisent les déclinistes. Tous ceux-là qui méconnaissent la réalité dans les pays, et ignorent les succès d'auteurs stars comme Michel Houellebecq, Marie Darrieusecq, Marie NDaye, Dany Laferrière, de deux prix Nobel de littérature, d'un formidable engouement pour les auteurs jeunesse (Marie-Aude Murail , Benjamin Lacombe, Stéphanie Blake, Olivier Tallec) et de bande-dessinée (Marjane Sartrapi, Benoît Peteers, Guy Delisle, Riad Sattouf, Joan Sfarr, Bastien Vivès etc), et la vitalité des penseurs en philosophie, sociologie, histoire. Et nos héros demeurent des héros mondiaux : on achète davantage d'Astérix en Allemagne qu'en France,  les Argentins viennent de retraduire tous les albums d'Astérix que l'on trouve désormais dans tous les points de vente, Lucky Luke demeure une star en Turquie. 

Quel est le Top 10 des auteurs français contemporains les plus traduits dans le monde ?

A.T. : Une politique active de soutien à la cession de droits et à la traduction est menée par l’Institut français Paris et la vingtaine de bureaux du livre du Réseau culturel français à l’étranger (parmi les principaux : New York, New Delhi, Pékin, Tokyo, Rio, Buenos Aires, Madrid, Beyrouth, Berlin, Varsovie…). Cela nous met en première ligne pour observer ce qui se passe. A titre d’exemple, les auteurs qui ont fait l’objet du plus grand nombre de demandes d’aides dans le monde en février 2016 sont : 1- Pascal Quignard 2- Patrick Modiano 3- Michel Foucault 4- Boualem Sansal  5- Marguerite Duras 6- Jean-Luc Nancy  7- Mathias Enard 8- Riad Sattouf  9- Virginie Despentes 10- Yasmina Khadra.

Depuis 2012, le chinois (mandarin) est devenu la première langue de cession de droits du français vers une langue étrangère. Pensez-vous que les éditeurs français devraient davantage tenir compte de ce marché en expansion? 

A.T. : Les éditeurs français sont très actifs dans le domaine des cessions de droits. Ils ont vu le succès que l'investissement humain permet, et le réseau des chargés du livre des Instituts français est là pour amplifier cet effort : le nombre de cessions de droits a doublé en 10 ans. Le marché asiatique est en croissance et le réseau culturel en Chine, en Corée, au Japon, au Vietnam est très actif. Mais d'autres continents émergent, l'Inde, avec la multiplication des traductions en langue locale (il y  en a plus de 20) et le développement d'une classe moyenne éduquée est en pleine expansion. Nous organisons d'ailleurs une recontre sur ce sujet : "Indian boom" le jeudi à 17 heures à Livre Paris.

Que dire du continent africain. Pensez-vous qu'à l'avenir la diffusion numérique permettrait une meilleure distribution des livres français ?

A.T. : Le numérique est sans doute une opportunité pour pallier le problème structurel de la diffusion du livre, mais les taux d'équipements et les pratiques sont encore mal définis et pas complètement structurés.

Après Livre Paris, quels sont les autres rendez-vous que vous allez honorer en France et à l'étranger en 2016 ? 

A.T. : En France Quais du Polar, Shoot the Book au festival de Cannes, le Salon du livre et de presse de Jeunesse de Montreuil. A l'étranger, l'Institut soutient notamment les invitations d'honneur de la France ou les focus France dans les grandes manifestations du livre dans le monde : à la Foire internationale du livre de Tunis fin mars, à la Feria del libro de Madrid fin avril, à la Foire international du livre de Séoul en juin, au Venezuela en octobre. Et l'Institut français poursuit l'internationalisation de Shoot the Book ! à Toronto et à Los Angeles.

En savoir plus

>Livre Paris 2016
17-20 Mars 2016
Pavillon 1 Porte de Versailles
Stand de l'Institut Français : F61
Plus d'informations sur le site du Salon
>L'ouverture filmée de la Nuit des Idées au Quai d'Orsay le 29 janvier 2016

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