Rencontre

Hubert Klimko : Danse avec les mots

Ecrivain polonais, qui vit aujourd’hui à Vienne après avoir passé dix ans en Islande, Hubert Klimko  est un romancier poète qui aime raconter des histoires en pensant à la musique des mots et la rythmique des séquences. De passage à Paris, il nous parle de son dernier livre paru en France, Berceuse pour un pendu (Belfond), une ballade un peu baroque, un peu rock, entre errance, passions intenses et amitiés familières. Une ode à la vie remplie d’une énergie contenue, qui oscille entre désespoir filant et joies abruptes.

->Lire notre critique du livre Berceuse pour un pendu

 

Un grand éclat de rire. C’est ce qui frappe tout de suite chez Hubert Klimko. Une grande silhouette qui respire la force, à qui rien ne semble résister. Une voix qui  porte, un œil malicieux et une parole qui danse avec la souffrance des jours et l’ironie de la vie. Hubert Klimko est un personnage, et cela se voit. Il est aussi un poète et cela se découvre. Interview feutrée dans un salon d’hôtel chic.

Viabooks :  Votre livre « Berceuse pour un pendu » se situe en Islande, un pays que vous avez utilisé comme un décor théâtral. Parlez nous de ce lieu qui vous a inspiré aussi fortement.

Hubert Klimko : Je suis née en Pologne, mais j’ai vécu dix ans en Islande où j’ai étudié la philosophie et la littérature, après avoir habité quelques années en Hollande et en Angleterre. Cette « séquence » islandaise m’a beaucoup marqué, car c’est un pays habité par une intense  force tellurique avec un climat  imprévisible et capricieux. On passe de la neige à la pluie au soleil en très peu de temps. Cela nous installe dans une sorte de précarité et une grande partie de l’année, la moitié de la journée est plongée dans l’obscurité. Ce contexte se prête à l’intériorité,  car chaque élément semble relever du combat avec les éléments. Il y a d’ailleurs un dicton que j’aime bien là-bas : «  No bad weather, just bad dressing » que l’on peut traduire par « il n’y a pas de mauvais temps, juste de mauvais vêtements ». En Islande, les paysages sont époustouflants. C’est un pays qui est un voyage sur la terre hors de la terre : un cadre particulièrement propice à la poésie…

 Vb : Tel que le titre l’indique, le livre évoque le destin d’un musicien et la musique y est très présente. Cette berceuse prend d'ailleurs parfois plutôt des airs de requiem.Vous-même vous sentez-vous concerné par celle-ci ?

H.K.:  Oui, j’ai toujours rêvé de jouer du violon. Je n’ai pas réussi à en jouer mais j’ai réussi à donner vie à ce rêve en le mettant dans un de mes livres ! J’écoute beaucoup de musique, je suis même un fou de musique. J’écoute aussi bien du jazz, du rock, de la musique classique… Et il se trouve qu’en Islande, c’est aussi une chose qui m’a touché dans ce pays, beaucoup de personnes chantent ou jouent un instrument. Pour moi il y avait  pour moi comme une évidence de construire une relation entre la musique et ce pays.

 Vb : L’Islande, la musique… Votre livre parle aussi et avant tout d’amitié. Plus d’ailleurs que d’amour ou alors d’un amour particulier qui s’appelle amitié…

H.K. : Je voulais renouveler le genre. L’amour, le sentiment amoureux, sont des thèmes éternels dans la littérature mais je voulais montrer que l’amitié, probablement aujourd’hui dans notre société où l’amour prend de nombreux visages, l’amitié est un sentiment intense, durable, peut-être parfois le plus profond pour certaines personnes. Pour cela, je voulais exposer l’amitié sous des angles un peu étranges, inédits, surtout sans sentimentalisme, car justement, l’amitié est intéressante car elle évoque une émotion, un lien qui ne passe pas par l’émotionnel théâtral. Pour un romancier, c’est intéressant de chercher "derrière le visible", là où les mots sont rarement démonstratifs.

 Vb : Vous traitez l’amitié avec beaucoup d’humour, comme si pour vous l'amitié rime avec le rire... 
 

H.K. : Qu’a-t-on trouver de mieux que de rire avec ses amis pour oublier la tragédie de la vie ? L’humour est toujours partout avec nous, même dans les moments dramatiques. Mes personnages sont un peu équilibristes et le rire est ce qui les unit souvent.  

 Vb : "Berceuse pour un pendu" est aussi un livre qui joue sur la frontière entre la norme et la folie. C’est une question qui vous préoccupe particulièrement ?

H.K. : La frontière est extrêmement fine entre la normalité et la folie. D’ailleurs, pour moi, la normalité n’existe pas. Je voulais casser les tabous sur la maladie mentale, et montrer que des personnes qui souffrent peuvent aussi accéder à ce qu’est la vie. Alors que la posture de notre société est de considérer qu’une personne marginale, ou folle, est sortie du cadre de la vie. Je crois qu’au contraire, la personne qui est dite folle est profondément « résonnante » avec la vie.

 Vb : Une vie, certes, mais avec beaucoup de souffrance…

H.K. : Oui, mais c’est ainsi que va la vie… Il y a une chanson que j’aime bien qui dit : « Life is a sweet and bitter symphony » ( The Verve). C’est pourquoi dans mon récit, je joue toujours sur ce balancement entre la joie et la souffrance.

 Vb : Vous allez jusqu’à évoquer la question du suicide…

H.K. : Dans l’intensité de la folie, il y a cette danse de chacun avec la vie et la mort. Le suicide est certainement le fruit d’une souffrance, mais je ne le juge pas. Il y a probablement des personnes pour qui c’est une manière d’être maître de leur vie, comme de leur mort.

 Vb : Un récit dans lequel vous aimez aussi jouer avec le style poétique ou le style romanesque. Une hésitation ? Une oscillation ?

H.K. : La poésie est une sorte de colonne vertébrale de mes émotions. Les premiers livres que j’ai écrits étaient des poèmes et lorsque j’écris un roman, j’aime que l’écriture soit simple, presque un peu sèche et que la poésie vienne délester justement la tentation d’une écriture trop foisonnante. On revient à la musique : la poésie est musicale et lorsque j’écris, j’ai besoin de sentir la musique des mots. J’essaie d’appliquer l’adage « moins c’est plus ».

 
Vb : Est-ce pourquoi vous aimez jouer aussi avec les mots d’argot et les mots sophistiqués ?

H.K. : Bien sûr. D’abord les jurons donnent aussi cette espèce de rythmique un peu rock n roll. Et puis ils collent avec certains de mes personnages.

 Vb : Quelques questions plus générales sur votre vie d’écrivain. De quelle manière écrivez-vous ?

H.K. : J’essaie d’être systématique. Ecrire est une discipline. Tous les jours, au petit matin, je me mets à écrire jusqu’à une heure de l’après-midi et après je ne peux plus. Je ne travaille jamais ni l’après-midi ni le soir. Quand j’écris, j’ai besoin d’eau, beaucoup d’eau et de thé, comme pour me nettoyer et après cette longue matinée d’écriture, vers une heure, je prends un énorme déjeuner pour me reconstituer.

 Vb : Quels sont les écrivains que vous admirez particulièrement ?

H.B. : Les écrivains sud-américains tels  Mario Vargas Llosa, Gabriel Garcia Marquez, tellement flamboyants. Les écrivains russes, le tchèque Urabal  ( il s’est suicidé d'ailleurs ) qui me touchent beaucoup. Shakespeare aussi qui est un génie du baroque et de l’humour.  

 Vb : Quel est votre prochain livre ?

H.K. : Il vient de sortir et il s’appelle « First things ». Je ne sais pas quand il paraîtra en traduction française. 

En savoir plus

Hubert Klimko, Berceuse pour un pendu , Belfond

Hubert Klimko, La Maison de Roza, Belfond

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