Lire - Ecrire

Gautier Renault

Le rapport à l’écriture

 

ViaBooks : Avez-vous des rituels particuliers ou des habitudes lorsque vous écrivez ?

Gautier Renault : « L’écriture est pour moi une activité qui demande beaucoup de préparation. Il m’est difficile de me mettre devant une feuille blanche ou une page de traitement de texte, et attaquer dans le vif. J’aime prendre le temps de gribouiller des idées et des mots clés, réfléchir à un plan, le triturer … Peut-être l’héritage de méthodes apprises à l’école pour réaliser une bonne dissertation. J’imagine toujours qu’un écrit a un début-un milieu-une fin, que l’ensemble forme un tout cohérent aussi bien au travers des mots, des expressions, le niveau de langage et l’enchaînement des idées ;  je me dis que chaque élément a un rôle, aucun d’entre eux n’est plus important qu’un autre. C’est pourquoi je suis plutôt adepte de la longue réécriture pour trouver l’équilibre du texte ».

Vous venez de connaître l’écriture à 4 mains…

« Avec Une partie en enfer, j’ai découvert la richesse de l’écriture à 4 mains. Il faut bien sûr trouver une manière de fonctionner, mais une fois cette mise en place effectuée, il est très stimulant d’échanger avec un autre auteur. Il y a dans cet exercice un miroir immédiat et permanent qui permet un enrichissement naturel des idées et de la manière de les communiquer, s’il est sans jugement de valeur et simplement un jugement de cohérence. J’encourage l’écriture à 4 mains ; c’est une excellente expérience humaine et une manière formidable de progresser ».


Le rapport à la profession

 

Quand vous êtes- vous dit la première fois : « je suis écrivain » ?

« Je suis bien trop humble pour me considérer écrivain d’une manière ou d’une autre ; je me sentirais aujourd’hui plutôt comme un « conteur d’histoire ». Se dire « je suis écrivain » est peut-être quelque chose qui vient avec l’âge et l’expérience, un peu comme les premières fois où l’on vous appelle Monsieur et que l’on arrête de vous tutoyer systématiquement…c’est au départ très surprenant, inhabituel voire complètement hors-contexte, on regarde derrière soi  pour savoir à qui la personne en face de vous s’adresse. Cela peut durer très longtemps et puis cette distinction s’insinue petit à petit au fil des années, le vocabulaire change, on s’y fait sans s’en rendre compte… Si je poursuis dans l’écriture, peut-être que ça se passera comme cela, dans le regard des autres… »

Et qu’est-ce que cela signifie pour vous d’être écrivain ?

« Être écrivain peut peut-être vouloir dire regarder le monde différemment : faire un pas de côté, s’arrêter et regarder attentivement; être écrivain est peut-être une attitude qui consiste à décrypter la réalité avec une autre grille de lecture qui inclurait la patience, le recul, l’introspection, l’ironie, l’auto dérision, la vérité … » 
   

Vous sentez-vous appartenir à une famille d’écrivains et si oui laquelle ?

« Je suis bien trop humble pour me considérer comme écrivain ; je ne me sens donc pas appartenir à une famille ».

Le rapport à la lecture

 

Lisez-vous beaucoup, rapidement, en prenant des notes ? Et qu’utilisez-vous comme marque-page ?

« J’ai toujours un livre en cours, et j’ai la mauvaise habitude d’en commencer plusieurs à la fois. Cela me demande une grande rigueur de rester concentrer sur un livre alors que paradoxalement j’adore le sentiment de se faire happer entièrement par un ouvrage sur une période donnée.  Mais ce besoin d’en commencer plusieurs à la fois vient sûrement du fait, je pense, que je lis lentement : je lis tous les mots du début à la fin de l’objet – de la page de garde aux remerciements en passant par  les crédits éditeurs / imprimeurs et enfin le texte. Je pensais que tout le monde faisait comme ça. J’ai découvert assez récemment qu’en fait pas du tout. Chacun possède sa manière d’aborder un livre. Certains commencent par lire la dernière page, certains vont lire la biographie de l’auteur avant tout, certains vont lire en diagonal au sens propre… ce fut une grande découverte.  Je me suis alors exercé à lire autrement, sans succès !
Je ne parviens pas à garder un marque-page, et corner une page m’horripile. J’essaye donc de retenir le numéro de la page ou du chapitre en me faisant croire que j’ai la mémoire des chiffres. Il m’arrive très souvent de relire de longs passages … c’est peut-être pour cela que je lis lentement finalement ».

Comment lisez-vous ? Uniquement par plaisir ou de manière très concentrée, voire professionnelle, pour mieux décortiquer le travail de l’auteur ?

« Je lis principalement par plaisir. Je ne prends jamais de note car je n’ai pas de système de relecture des notes, alors à quoi bon ! »

Comment choisissez-vous vos lectures : en lisant les critiques, en regardant les 4 e de couv’, en écoutant les conseils de proches, par hasard…

«De fil en aiguille et par hasard. Je vais passer d’un livre à un autre car les thèmes sont connexes, ou parce que les auteurs ont vécu au même moment, qu’ils faisaient partie du même courant littéraire ou qu’ils ont été publiés dans la même collection, et  ainsi de suite… »

Quel a été votre premier « choc » de lecteur ?

«Les Enfants de Noé de Jean Joubert à l’âge de 12 ans. C’était probablement la première fois  que d’un simple objet fait de papier et d’encre, je plongeais dans un univers, une vie de famille et une aventure ».

Que lisez-vous actuellement ?

«American Tabloïd de James Ellroy, Exit le Fantôme de Philip Roth et To Kill the Mockingbird d’Harper Lee (Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur NLRD). Mon avis ? Il faut que je regarde les choses en face, je suis dans une période « américaine »… Je ne sais pas comment je vais faire pour m’en sortir ».

Avez-vous un livre de chevet-fétiche ?

«Je n’ai pas de livre fétiche en particulier. J’aurai l’impression de ne pas laisser sa chance aux autres de le devenir ».

Les livres et les autres

 

Offrez-vous les livres que vous avez écrits à vos proches ? Attendez-vous qu’ils vous donnent leur avis ou préférez-vous ne pas le connaître ?

«Une Partie en Enfer, coécrit avec Florian Lafani est mon premier livre publié. Nous avons fait lire le manuscrit à de nombreuses personnes de notre entourage dans le souci de progresser, d’avoir un retour pour mieux avancer. Mais une fois publié, je ne sais pas encore si je l’offrirai à mes proches ; ce n’est pas sûr car je n’aurai pas envie d’avoir l’impression de leur imposer la lecture. Peut-être qu’inconsciemment, je le laisserai traîner bien en vue avec l’espoir qu’ils y jettent un coup d’œil car au fond de moi je serai, je l’avoue, très heureux d’avoir leur avis ».

Vous arrive-t-il de relire vos livres ? Lesquels ? Pourquoi ? Et qu’en pensez-vous ?

«On verra ; probablement par petite touche, pour redécouvrir l’état d’esprit d’un moment de la vie ».

Auriez-vous une question que vous souhaiteriez poser à un auteur (disparu ou vivant) ?

«Boris Vian, à quel âge avez-vous su qu’il était possible pour vous d’aborder autant de domaines artistiques ? »

A quoi ressemble votre bibliothèque ? Les ouvrages sont-ils rangés selon un classement particulier ? Déborde-t-elle ? A-t-elle une histoire ?

«Tous les membres de ma famille sont de grands lecteurs, bien plus que moi. Au fil des années, sans le faire exprès, nous avons mis en commun la plupart de nos livres ; ma bibliothèque est donc plutôt une bibliothèque familiale. Elle ne subit aucun rangement spécifique à part peut-être livres de fiction d’un côté, livres de non fiction de l’autre. Elle n’a pas d’histoire spécialement, mais j’ai remarqué que je pouvais retracer les différents moments de ma vie au travers de livres présents dans cette bibliothèque. Et il faut bien l’avouer aussi, il y a les livres qui sont bien en place et que je n’ai jamais lus, que je m’étais procuré avec conviction et dont je me suis détourné avant même de les commencer, pour un moment seulement … enfin j’espère. J’aime bien la présence de ces livres qui sont dans une bibliothèque et que l’on fantasme tant qu’on ne les a pas lus ».

Que pensez-vous du livre numérique : Jamais pour vous ! Peut-être en voyage ? Pourquoi pas je me suis bien mis à l’iPod !

«Ma collaboration active à la création d’une maison d’édition numérique m’a conduit à confirmer ma conviction de l’existence d’un avenir pour l’édition numérique.  Je crois beaucoup à l’avenir du livre numérique au sens de contenus développés spécifiquement pour les supports numériques qui vont s’adresser à d’autres lecteurs ou répondre à d’autres usages de la lecture. Ces ouvrages intégreront probablement bien plus d’éléments que le simple écrit. Je pense qu’il faudra être « multi discipline » et travailler en équipe pour être éditeur ou auteur de « livres numériques » : auteur, écrivain, musicien, concepteur de jeu vidéo, réalisateur … Le chemin est encore long, et rien n’est écrit pour le coup ».

Actu et Salon du Livre

 

Cette année, la plus grande librairie de France fête son 30 e anniversaire. Auriez-vous un souvenir, une anecdote à partager avec nous ?

«Je me souviens du premier sentiment en pénétrant dans cet immense hall des expositions: celui d’être tout petit et perdu. Et c’est la même chose chaque année depuis. Le Salon du livre amène une certaine réalité dans un univers imaginaire que je me crée tout le reste de l’année avec la lecture. Alors que la lecture est une activité intime, solitaire, personnelle, où je me fais mes propres images des auteurs, où l’on croit que nos objets livres sont les seuls au monde, le Salon lui propose de découvrir les auteurs en chair et en os, d’aller de stand en stand où les livres se comptent par milliers bien au-delà du concevable. Ainsi les premiers pas au Salon m’amènent toujours à la même réflexion : je n’ai encore rien lu. Une fois ces premières minutes de vertige passées, le Salon devient une grande terre de découverte sans fin dont je ne saurais me lasser ».

Avez-vous une actu salon, cette année ? Une séance dédicace ?

«Nous aurons l’honneur et le plaisir de dédicacer au Salon du Livre de Paris le 30 mars 2010 de 19h à 21h sur le stand de First Editions ».

Quel est votre dernier ouvrage paru ou à paraître ?

«Une partie en enfer avec  Florian Lafani et aux Editions First »

© Editions First


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