Goncourt des lycéens, prix du Premier roman et prix Télérama-France Culture

Rencontre avec Gaël Faye, le multiprimé, révélation littéraire de l'année

Gaël Faye est la révélation de la rentrée avec son premier roman Petit pays (Grasset). Un grand livre qui a su trouver le ton juste entre émotion, récit et poésie. Sélectionné parmi les talents Cultura, le livre vient de recevoir le prix du Roman des Etudiants Télérama-France Culture, après avoir remporté le Goncourt des lycéens après avoir déjà remporté le prix du Premier Roman. Une belle revanche sur la vie, pour ce jeune métisse, musicien et rappeur, qui a passé son enfance au Burundi, avant de connaître l'horreur de la guerre et la tristesse de l'exil en France. Un texte merveilleux de maturité et d'esprit, qui a trouvé le juste ton. Rencontre avec un grand jeune homme qui va aller loin.

Photo : Gaël Faye pendant son interview avec l'équipe Viabooks. Capture d'écran de la vidéo.

C'est une belle journée d'automne qui ressemble à l'été. Nous retrouvons Gaël Faye à Paris et il flotte un air léger et souriant, comme lui. Car Gaël Faye, c'est d'abord un grand sourire, qui se dessine sur un corps élancé avec de longs bras volubiles. Héritage de sa mère Tutsi. Comme tous les textes qui font sensation, Petit pays, son premier roman résonne avec une actualité. Il est l'antidote de la crise des migrants et de la question de l'identité. Avec ses mots, simples, directs, complices et tellement justes, Gaël Faye balaye tout cela d'un revers de phrases. Petit pays nous parle de la guerre au Burundi, vue par les yeux d'un enfant, de la tristesse de quitter son enfance tout en portant toute sa vie la noastalgie d'un paradis perdu, des difficultés de l'exil et de la complexité du métissage...

Un grand livre sur les blessures de l'enfance et la résilience malgré l'exil

Mais Petit pays nous parle aussi au coeur, de la résilience par les mots, de la musique, de la joie d'être en vie et de l'universel sentiment d'appartenance au monde. Vous l'aurez compris, de petit il n'y a que la référence à l'enfance chez Gaël Faye, car tout le reste est grand. C'est avec bonheur que nous venons l'interviewer. Nous n'avons pas été déçus. Les paroles  sont à la hauteur de l'écrit.

1- Viabooks: Vous êtes un peu l’homme de la rentrée, en tête dans la sélection Cultura et sur les listes de nombreux prix littéraires, que ressentez-vous? 

Gaël Faye: Je suis le premier étonné. C’est mon premier roman et je ne pensais pas qu’il aurait cette vie et cette réception. J’ai peu de mots pour décrire ce qui se passe. Peut-être pourrais-je l’analyser plus tard. Pour le moment, je suis plus dans la présentation et la promotion de ce livre. Je le re-découvre surtout à travers les yeux de mes lecteurs que je rencontre. Que dire? À part de l’étonnement et de la joie ! 

2- Vous êtes slameur, poète et maintenant, on vous découvre romancier. Comment est venue l’envie d’écrire un roman ? 

G.F: Je voulais explorer de nouvelles zones pour des sujets qui sont évoqués dans mes chansons, puis les déployer sur la longueur. Par exemple, les thèmes de l’enfance, de l’exil, du métissage, de la guerre… On retrouve ces thèmes dans mes chansons, j’ai donc voulu leur donner « corps et chair » à travers des personnages. Il n’y a que le roman qui me permettait de m’exprimer de la sorte. 

3- Votre livre est porté par une grande émotion, notamment celle qui concerne la guerre racontée par un petit garçon. 

G.F: À travers les yeux d’un enfant, cela m’a permis d’aborder la guerre sans préjugés, contrairement aux adultes. Les enfants n’ont pas vraiment d’explications à ce sujet. Ils voient de la violence et les explications que peuvent apporter les adultes pour justifier la violence, ils les trouvent absurdes ! Le regard lucide, sur cette violence de la guerre, c’est le regard de l’enfant, car les camps sont des constructions, les races sont des ethnies… J’ai eu l’envie d’aborder la question plus naïvement, pas dans le sens péjoratif mais dans le sens de l’étonnement et de la pureté. 

4- Le métissage est aussi une question que vous abordez. Qu’est-ce que le métissage signifie pour vous? Une richesse? Une difficulté pour trouver sa véritable identité?

G.F: Ce n’est ni l’un ni l’autre, mais c’est en même temps les deux à la fois. La question du métissage est complexe. On en a fait quelque chose de facile à décrire… On dit souvent: « Le métissage, c’est l’avenir de l’humanité. » ou « L’avenir sera métisse. » Il y a une part de vérité, mais ces affirmations sont aussi très agaçantes. Le métissage n’a rien à voir avec le fait d’être métisse. Je suis moi-même métisse et je me suis rendu compte que cette richesse ne pouvait pas s’atteindre si facilement. Il faut un certain travail pour comprendre l’appartenance à plusieurs mondes. Souvent, c’est une douleur dans la recherche car on oppose notre identité. D’ailleurs, on dit souvent à un enfant métisse: « Tu es 50/50. » Donc l’enfant se rend bien compte qu’il y a deux blocs qui ne se mélangent pas. Mais non, moi je dis que c’est 100/100. Le métissage est lié à la « créolisation », c’est un tout avec beaucoup de complexité. Il faut partir de cette notion de faire partie de deux blocs et ensuite chercher à se définir par un ensemble global. Il faut aller vers l’autre, comme l’autre peut venir vers nous sans se dire qu’on n’est pas « identiques »… On appartient toujours à un ensemble. C’est la réelle conviction que j’ai pour le métissage. Et c’est un combat de tous les jours. 

5- Votre livre est aussi un texte sur l’exil…

G.F: L’exil, c’est un mouvement imposé. On ne choisi pas l’exil, car l’exil est une fuite. Donc le personnage, Gabriel dans mon livre, porte la blessure de devoir quitter un pays qu’il aime, auquel il est attaché malgré lui. J’ai trouvé cette métaphore de la porte qu’on laisse ouverte derrière soi. C’est la sensation que je ressentais dans les récits des exilés que je pouvais rencontrer. Dans ma propre histoire, on a laissé cette porte ouverte derrière moi, il y a toujours comme un courant d’air. Donc on a envie d’aller refermer cette porte, en espérant qu’un jour, on pourra rouvrir cette porte et retrouver ce bonheur. Le problème, c’est que quand ce jour arrive et qu’on franchit cette porte dans l’autre sens, on se rend compte que le monde a évolué, car c’est ainsi. L’exilé part et la vie continue, alors que ce que recherche un exilé, c’est son enfance. Et cela il ne pourra jamais la retrouver.

6- Un dernier « mot »?

Je dirais qu’il faut s’emparer des mots. Ne pas laisser les autres nous définir, mais se définir soi-même. C’est une manière de se retrouver. 

>Gaël Faye, Petit pays, Grasset

En savoir plus

>Visionnez l'interview de Gaël Faye en vidéo :

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>Lire un extrait du livre de Gaël Faye en cliquant sur ce lien

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