"Ronce-Rose"

Eric Chevillard conte l'errance d'une petite fille

Eric Chevillard décrit l'errance d'une petite fille à la recherche de son père dans Ronce-Rose (Editions de Minuit), un texte sur le fil de l'imaginaire et du monde de l'enfance. Eric Chevillard invité du Bal à la Page organisé par Les Livreurs revient sur les traces de de cette quête sans visage, entre absurde et fantaisie.

Eric Chevillard photographié à l'auditorium Saint-Germain pendant le Bal à la Page. Photo: Olivia Phélip

Eric Chevillard est un funambule qui transperce le voile des apparences et le jeu de l'absurde. Dans son dernier récit Ronce-Rose , il pénètre le monde de l'enfance en suivant la quête d'une petite fille, qui recherche son père. Ronce-Rose, son prénom, raconte son voyage imaginaire à travers le réel, ses observations et ses recompositions. Il ne s'agit pas d'un conte, il ne s'agit pas d'une fantaisie, il s'agit de la lisière entre le rêve et le réel. Ici il n'y a pas de merveilles, ni de miroir. Il y a des personnages inquiétants et la beauté de la poésie. Comme si Queneau avait croisé la route de Lewis Carroll.

Voyage dans le monde de l'enfance

Un voyage au coeur du monde de l'enfance, comme le décrit Eric Chevillard :  "Si Ronce-Rose prend soin de cadenasser son carnet secret, ce n’est évidemment pas pour étaler au dos tout ce qu’il contient. D’après ce que nous croyons savoir, elle y raconte sa vie heureuse avec Mâchefer jusqu’au jour où, suite à des circonstances impliquant un voisin unijambiste, une sorcière, quatre mésanges et un poisson d’or, ce récit devient le journal d’une quête éperdue."

Viabooks : Ronce-Rose nous entraîne dans l'enfance et les limites du réel... Pouvez-vous nous présenter votre dernier livre ? 

-Eric Chevillard : Ronce-Rose relate l'errance d'une petite fille à la recherche de son père. Elle ignore que celui-ci est un cambrioleur en cavale. Tout au long de sa quête, elle tient un journal et c’est ce journal que nous lisons. A hauteur d’enfant, il s’agit d’un long voyage qui va la mener jusqu’en Russie. Croit-elle, car le lecteur devine qu’elle ne s’éloigne guère en vérité de sa ville et ses faubourgs.

Pourquoi avoir choisi de vous incarner en une petite fille ?

-E.C. : C’est d’abord sa langue qui m’intéresse, ce génie innocent de la langue enfantine, ces courts-circuits logiques, cette interprétation du réel et de ses signes. J’avais envie d’écrire un livre ‘’pour enfants pour adultes’’, si je puis dire. Certains peintres comme Dubuffet ou Klee se sont inspirés des dessins d’enfants, en optant résolument pour cette ‘’maladresse’’ et cette ‘’incompétence’’. Ce sont des formes natives de la pensée reprises et enrichies par la conscience adulte. Des moyens de connaissance du monde que la maturité nous a fait abandonner et qui restent pourtant féconds.

Votre style ose une poésie "enchantée". Comme si cette enfance vous avait autorisé plus de liberté...

-E.C. : En effet, ce livre est plus allègre que la plupart des précédents, même si un drame le sous-tend dont Ronce-Rose n’a pas conscience, contrairement au lecteur. J’ai moi-même deux filles encore petites et je vis dans cette langue inventive, j’ai pu en adopter les tours sans effort. Je ne la singe pas pour autant. C’est une imitation  à la limite de la parodie du langage enfantin. Il doit être évident que cette langue est maniée par un écrivain qui se l’octroie pour trouver du nouveau, comme disait Baudelaire.

Vous êtes un fidèle des Editions de Minuit. Un lien qui nourrit votre écriture ?

-E.C. :  Voici bientôt 30 ans que je leur ai envoyé mon premier roman ! Cela a toujours été pour moi un honneur et un bonheur d’être publié par Jérôme et Irène Lindon. Et la garantie d’une liberté absolue. Les géants de la génération précédente ont ouvert un espace dont nous profitons encore.

Plusieurs extraits de votre livre vont être lus au Bal à la Page sur scène. Comment ressentez-vous cette mise en parole de votre texte ?

-E.C. : C'est mon 3e Bal à la Page ! Je prends toujours un immense plaisir à entendre lire mes textes, comme le comédien Christophe Brault le fait souvent aussi à la Maison de la poésie.  C’est comme si m’était donnée la possibilité d’assister à ce qui se passe dans la tête d’un lecteur. Soudain, cette lecture existe en trois dimensions. L’interprétation infléchit le sens du texte de manière toujours surprenante. Et les réactions du public sont tout aussi déconcertantes et parfois éclairantes.

Iriez-vous jusqu'à "lire" des livres audio ?

-E.C. : Cela m'amuserait d’entendre un de mes livres lu intégralement, mais je n’ai pas cet usage en tant que lecteur.

La France va être l'invitée de la prochaine Foire de Francfort. Que pensez-vous du rayonnement de la littérature française?

-E.C. : Certains de mes livres ont été traduits. Souvent, c’est pourtant comme s’ils tombaient dans un puits. Parfois, comme récemment en Italie, la rencontre a bien lieu. Je lis beaucoup de littérature contemporaine pour mon feuilleton du Monde des Livres et je  peux affirmer que la littérature française est toujours aussi belle et audacieuse, qu’il y a autant de bons écrivains aujourd’hui que par le passé. Ce qui est vrai, c’est que la littérature ne mord plus autant dans le réel, car celui-ci est devenu si ductile, si nébuleux que tout y est possible et que pourtant rien n’y advient que les ordinaires misères de l’homme. D’où sans doute le triomphe de l’autofiction ainsi que du roman sociologique ou réaliste qui ne font que reproduire et représenter ces misères.

Qu'avez-vous pensé de l'attribution du Prix Nobel à Bob Dylan ?

-E.C. : J'aurais préféré que Leonard Cohen soit récompensé, mais il aurait sans doute refusé...  J’ai d’ailleurs peu à dire à ce sujet. Je ne suis pas très intéressé par les prix littéraires qui confisquent malheureusement toute l’attention portée à la littérature.

>Eric Chevillard, Ronce-Rose, Editions de Minuit

En savoir plus

>Lire un extrait de Ronce-Rose en cliquant sur ce lien

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