Phèdre

Extrait de Phèdre de Jean Racine

Hippolyte. - Madame, pardonnez. J'avoue en rougissant,

Que j'accusais à tort un discours innocent.

Ma honte ne peut plus soutenir votre vue,

Et je vais...

Phèdre. - Ah ! Cruel, tu m'as trop entendue.

Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur.

Eh bien, connais donc Phèdre et toute sa fureur.

J'aime. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime,

Innocente à mes yeux je m'approuve moi-même,

Ni que du fol amour qui trouble ma raison

Ma lâche complaisance ait nourri le poison.

Objet infortuné des vengeances célestes,

Je m'abhorre encor plus que tu ne me détestes.

Les dieux m'en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc

Ont allumé le feu fatal à tout mon sang,

Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle

De séduire le cœur d'une faible mortelle.

Toi-même en ton esprit rappelle le passé.

C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé.

J'ai voulu te paraître odieuse, inhumaine.

Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine.

De quoi m'ont profité mes inutiles soins ?

Tu me haïssais plus, je ne t'aimais pas moins.

Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.

J'ai langui, j'ai séché, dans les feux, dans les larmes.

Il suffit de tes yeux pour t'en persuader,

Si tes yeux un moment pouvaient me regarder.

Que dis-je? Cet aveu que je te viens de faire,

Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?

& aussi