Les Noces vermeilles

Extrait de Les Noces vermeilles de Béatrice Egémar

Voilà près de deux heures que je suis à ma table. Dix fois je me suis crue prête, dix fois j'ai pris et reposé ma plume. J'ai décidé d'écrire mes mémoires – si du moins ce titre peut convenir à mon modeste récit – mais je répugne à le faire : mon caractère me pousse davantage à profiter de chaque jour qui nous est donné à vivre, plutôt qu'à me tourner vers le passé, surtout quand il est douloureux.

Je suis toutefois résolue à tout dire, j'en ressens le besoin. Peut-être parce que j'avance doucement vers la vieillesse, et que chaque année qui passe voit diminuer le nombre de ceux qui ont vécu comme moi ce terrible été de l'an 1572. Je pourrais me sentir tenue de témoigner, mais ce n'est pas le cas : je suis consciente que mon récit n'aurait que peu de valeur pour un historien, car après toutes ces années, je ne sais toujours pas comment les évènements s'enchaînèrent pour mener ainsi tant d'âmes à la perdition. Je ne songerais pas à les raconter, pas même pour faire fuir les cauchemars qui si souvent m'assaillent, si je n'avais un intérêt particulier, une raison toute personnelle de le faire. Mais je m'égare... Racontons ! Pour vous, lecteur, qui avez eu la chance de naître en des temps plus cléments, je vais commencer par planter le décor.

 

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