L'éthique sur la paillasse ...ou l'aporie bioéthique

Extrait de L'éthique sur la paillasse ...ou l'aporie bioéthique de Jacqueline Wautier

(395) La bioéthique existe-t-elle ou n’est-elle qu’un miroir aux alouettes offert par les zélateurs d’une technoscience avide de réalisations ? Ou encore, n’est-elle qu’une illusion ? Mais alors, une illusion nécessaire qui devrait prendre corps en une construction normative et s’asseoir sur la conscience de la fragilité et de la vulnérabilité : fragilité de l’humanité qu’un rien, finalement, fait plonger dans l’inhumanité ou dans le mécanisme totalitaire ; vulnérabilité des objets soumis aux techniques et aux pouvoirs de l’homme (embryons, fœtus, espèce). Fragilité des équilibres du vivant et de la nature ; vulnérabilité des animaux objectivés. Fragilité des constructions identitaires et personnales, des émotions et sentiments ; et vulnérabilité des réseaux symboliques.  Une construction donc, qui se distinguerait de l’éthique par son inscription juridique. Et cela quand le droit, cet artefact, se situe à l’intersection (ou naît de l’articulation ?) de l’éthique et du politique – de l’éthique et du socio-économico-politique (la Praxis). Quand aussi le droit, par sa désignation de la norme et sa réalité plus ou moins contraignante, assure et rassure l’individu – cf.  J.-R Harlé et P. Pedrot : [le droit] est aussi une instance de jugement, une instance symbolique qui protège les individus (…). [La loi joue un rôle d’exorcisme à l’égard de certaines peurs, de certains fantasmes qui agitent l’opinion publique (…)», GBetS, 11. Quand enfin et de plus en plus souvent, il pose l’espèce en référent : pour le meilleur d’un monde cohésif facteur de valeur et garant d’un hors-champ (hors emprises) ; et pour le pire d’une réduction biologique/eugénique de l’humanité - car, P. Descamps n’a pas tort, la perspective est tangente. Tangente et cependant nécessaire dès lors qu’elle permet de protéger une communauté-structure ou une communauté-matrice (cohésive et protectrice du singulier individual/personnal). Pour l’heure cependant, cette bioéthique n’est qu’un mécano biodégradable proposé en jardin d’acclimatation aux idées, projets, outils et réalisations. Ou encore, un ensemble de positions et de consensus fades et flous tentant de concilier l’inconciliable et débouchant sur un substrat plus que minimaliste proche du kaléidoscope en ses images éclatées ou déstructurées – à l’image des convictions supposées les porter. Les points de divergence sont laissés en suspens, les décisions tiennent du moratoire, les acquis s’offrent des exceptions et des dérogations.  Cela quand les problèmes éthiques, philosophiques et anthropiques liés aux interventions sur le vivant sont affaires d’homme – et de tous les hommes. Quand les réflexions, options  et engagements trouvent leur place et leur sens dans les discussions et les choix citoyens, en ce compris par voie de référendum préalablement expliqué et discuté. Pour les hommes donc, et leurs enfants. A ce titre, il convient de les former et informer pour que tous ensemble ils puissent dessiner et construire le monde humain qu’ils souhaitent habiter. Telle démarche cependant prend du temps quand experts, investisseurs, décideurs, entrepreneurs ou producteurs brandissent l’urgence. L’urgence qui pourtant est ailleurs : dans la liberté d’un choix informé et collectif. Dans la formation et la mise en place d’un projet d’humanité (social, sociétal, éthique) susceptible de nourrir un enthousiasme nouveau, un engagement réel et un choix actif valorisant son agent en l’inscrivant dans la communauté à laquelle il appartient de fait, principe et espèce sans plus trop le voir. Par ailleurs, dans un contexte de violences croissantes, d’angoisses triomphantes et de misères décuplées, laissons à l’action sociale la primauté de l’urgence. Ou déplaçons-la au contexte d’une Terre qui agonise sous une chape de microparticules, sous une loupe de gaz tueurs et une masse de déchets issus, en grand nombre, d’une consommation déliée.

& aussi