Retiens la vie

Retiens la vie

Je pourrais donc inventer des histoires, écrire des romans, mais pour cela il faut une grande dose d’imagination que je ne possède pas. Raconter sa vie, partager ses souvenirs, livrer plus d’intimité, n’est pas chose facile non plus… Que révéler, qu’éviter de dire pour ne pas paraître prétentieux ou lasser le lecteur ? Il est vrai que je me suis déjà beaucoup confié. Peut-être n’aurais-je pas dû, peut-être aurais-je dû me contenter de ce que j’exprime quand je suissur scène. Toujours est-il que j’ai révélé certains de mes malheurs, évoqué certaines de mes réussites les rencontres que j’ai eu la chance de faire au cours de ma longue vie, sans oublier celles qui intéressent le public : celles dont je me serais bien passé. En revanche, j’ai eu plus de réserve ou plus de pudeur en ce qui concerne mes aventures amoureuses. Il y a toujours eu chez moi une certaine retenue, j’aime cultiver le secret, garder le mystère et, du reste, en amour comme sur le plan de ma carrière, je ne saisdévoiler facilement mes sentiments, me mettre trop en avant, user de mots tels que « triomphe » et autres superlatifs. Je n’ai aucun besoin ni aucune envie de bombarder les gens avec ce que je fais ici ou ailleurspour les inciter à m’applaudir.
Néanmoins, comme j’ai eu envie de composer une suite à ma trilogie et poursuivre ce dialogue avec vous, aussi allons-nous, si vous le voulez bien, procéder comme au spectacle à un petit entracte, ou, si vous préférez, comme à table, à « un trou normand ».
Si j’aime me repasser le film de ma vie, je ne me complais pas dans mon passé. Je préfère m’intéresserà celui des autres, que j’essaie de faire revivre sous ma plume. Dans mes chansons ou dans la prose, j’aime raviver les souvenirs enfouis que parfois ils me confientau détour d’une rencontre ou même d’un autographe.Dans ces moments d’intimité inattendus, l’émotion est    au rebord de mon regard et, là, je dois leur paraître tout à coup un peu perdu, peut-être un peu bête. On est comme on est. C’est que chaque récit de vie m’émeut : le rideau se lève, on entre en scène, un rêve s’éveille, le rideau tombe, un être s’évanouit. Entre ces deux événements, il y a une vie, plus ou moins réussie, plus ou moins banale ou flamboyante, avec son lot de joies et de peines, avant de retrouver la grande inconnue…
Pour ma part, je ne me fais guère d’illusions sur la postérité. La Bibliothèque nationale est remplie d’œuvres majeures que personne ne lit plus ou presque, lesquelles ont pourtant marqué leur époque. Ce n’est pas les auteurs qui s’en plaignent, cela dit. Car, quand on disparaît, la chose est entendue ! Je n’écris donc pas pour la postérité, mais pour parler à mes contemporains.  Attention, je ne me prétends expert en rien, c’estce qui a toujours fait ma force ; mon travail est ma seule carte de visite. "

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