Les Écrits

Humanité -état de fait, principe et soutenance...

              Humanité commune :

   Quand, pour tout chien, un chien est un chien, l’homme réserva longtemps sa reconnaissance aux seuls membres de sa tribu. De fait, hormis dans la civilisation moderne et y soutenant même d’immondes exceptions, les hommes ne se reconnaissent pas en une humanité unique. L’histoire le prouve ; méconnaissance, négation puis dénégation constituèrent trop souvent la règle. Ainsi, au sein des clans primitifs, la soutenance de traditions édictées par un même « Transcendant normatif » (Nature, Ancêtres, Divinités) confère son humanité (perçue alors en parenté) à l’individu. Cette reconnaissance nourrit simultanément un souci, une volonté et une aptitude à faire humanité  –par distanciation, sur fond d’animalité uniforme et chaotique. En ces occurrences, définissant sa nature et posant sa valeur au regard de ses différences, l’identité humaine plaça ses balises pour désigner les exclus.  Par suite, tentations ou utilités resurgissent épisodiquement de préciser, limiter ou renforcer les traits spécifiques de l’humanité plénière : devint inhumain ou sous-humain celui qui n’avait pas de langage (au vrai, pas le même langage), pas la même organisation sociale ou sacrale, pas la même alimentation, pas les mêmes interdits, pas la même histoire, pas la même peau, la même taille, le même projet…

   Grâce et par une distanciation réfléchie eu égard à cette distance première, sous l’effet d’une interrogation élargie des traditions et usages, la notion d’Humanité-Une se dégagea : la nature devint substrat commun unissant tous les hommes. Concomitamment, sous l’action conjuguée d’une habileté technique croissante, d’une acquisition expansive des savoirs et d’une démocratisation des échanges (marchands, sociaux, intellectuels…), une  certaine uniformisation des conditions d’être (sinon d’existence) se produisit. Semblable uniformisation  permit d’entrevoir la similitude anthropologique : l’autre est un semblable – en ce compris l’étranger. Comme le souligne Finkielkraut : «Si tout ce qui est se trouve logé à la même enseigne (…), cela veut dire que personne désormais ne peut se prévaloir de sa position dans l’être (…). Chaque peuple est aussi voisin et aussi éloigné de la source céleste (…)» [1].

                   Humanité déclinée:

   L’humanité et l’homme, l’homme ou l’humanité : l’un et l’autre pluriels, complexes, divers. L’un comme l’autre unitaires, uniques, ‘unifiants’. Mais également, l’un dans l’autre signifiant : chaque individu est membre et partie de cette communauté : singulier et particulier. Et encore, l’un par l’autre signifié : tout homme est représentant d’humanité  –le tout de l’humanité. Partant, l’humanité  est  ouverte en son unité multiple. Morin éclaire très justement sur cette problématique: «Il y a une unité humaine. Il y a une diversité humaine. Il y a unité dans la diversité humaine, il y a diversité dans l’unité humaine. L’unité n’est pas seulement dans les traits biologiques (…). La diversité n’est pas seulement dans les traits psychologiques, culturels, sociaux (…). Il y a aussi une diversité proprement biologique au sein de l’unité humaine, et il y a une unité mentale (…). / Nous devons concevoir une unité qui assure et favorise la diversité, une diversité qui s’inscrit dans une unité (…)»[2]…  

   Au vrai, l’humanité  est réfractaire à toute définition : jamais finie, incarnée en chacun, immanente et cependant transcendante ou ‘englobante’. Elle est fait, acte et projet. Absolue et relative. Donnée et acquise. Exigence et substrat. Inaliénable et indestructible en chaque individu mais néanmoins précaire en son devenir comme en son possible –à l’horizon du futur. Elle est alors émergence à cultiver, et à protéger.  Et sa persistance (en fait et principe   -l’un et l’autre liés)  repose sur diverses prescriptions. Elle exige une volonté portant sur la possibilité conservée d’un avenir. Commande la préservation des conditions de possibilité de la pensée.  Requiert le maintien des libertés vraies.  Impose la sauvegarde des conditions de possibilité de l’altérité. Réclame un projet commun porteur de sens pour l’homme -parce que ‘projet’, parce que ‘commun’. Et appelle en outre une croyance en sa réalité (en quelques points ou modes reconnus communs, en des valeurs partagées). Finalement et rapportée à ces pré-requis,  la persistance de l’humanité appelle un principe (d’humanité) : octroyant une humanité principielle et soustrayant l’homme aux emprises pratiques et idéologiques. Recouvrant l’individualité et la multitude, la particularité et la similitude, le fait et le concept, l’actualisation (humanicité effective) et la puissance (potentialité). S’identifiant  à une sorte de  décret global : a priori inaliénable, affirmation inconditionnelle de valeur. Palliant dès lors les manques factuels, les incapacités, empêchements  ou incomplétudes. Et traitant d’une communauté d’être ou de mode d’être  qui recouvre une similitude de ‘différance’.  De fait, l’humanité est ‘Une’ et plurielle car l’individu particulier porte en lui les caractéristiques de l’espèce  –les manques  imposant leur ‘présence’. Où  conséquemment l’humanité est tel un ensemble indéfini de possibles virtuels indépassables   -aléatoirement incarnés en un lot  défini de possibles individuels : un ‘ensemble indéfini’  car nul ne peut ni le borner (par exclusion) ni le décliner (exhaustivement) ; et des ‘possibles virtuels’ car chaque individu reçoit une combinaison  spécifique de ces possibles spéciels. Car aussi, l’expression des capacités et limites dépend d’un lacis de relations aux divers environnements (interne, écologique, culturel et affectif). Car encore, des manques circonstanciels existent.  Car enfin, leur présence devra être tant actualisée en intimité (par soi) qu’entérinée en extériorité  (par  autrui, pour être signifiante et contraignante -source de droits et de devoirs). Par ailleurs, comme le souligne très justement Finkielkraut,  «L’homme ne conquiert pas son humanité par la liquidation du passé qui le précède, la répudiation de ses origines et le dessaisissement de la conscience sensible au profit d’une raison surplombante et toute-puissante. Abstraction faite de son appartenance et de son ancrage dans un milieu particulier, l’homme n’est plus rien qu’un homme – une pure conscience sans attaches et sans résidence, il n’est plus un homme (…)./ Inhumaine (…) est la détermination de l’homme par le sol et par le sang, et non moins inhumaine est la vie titubante de l’homme à qui sont retirées les bases terrestres de son existence (…).»[3].   Rapportés à ces nécessités, hommes, humanicité, humanitude et humanité ne pourraient persister si le territoire soustrait était celui du corps propre ; si les attaches rompues étaient celles du monde relationnel ; si le dessaisissement de la conscience sensible était destruction de sensibilité; si la liquidation du passé était liquidation de temporalité; si ce monde sans signification était celui d’un lieu d’échanges marchands dénués de toute symbolique, de toute affectivité, de toute projection analogique, projective ou introjective -de toute présence. Au vrai, l’homme a besoin d’un sol où marcher, d’un répondant à qui parler[4], d’un corps qui sent, d’un esprit qui reconstruit  et d’une identité qui inscrit. Besoin d’instincts qui le font survivre a ses premiers matins, de pulsions qui le propulsent et de gènes qui le possibilisent. Besoin donc d’un fonds matériel de possibles, d’outils et de matériaux. Besoin d’une base réflexive et d’un ancrage sensible - par les sens. Besoin, finalement, de déterminations et de conditionnements pour vivre et survivre avant que d’exister dans une réappropriation constructive. Car il est du monde et déploie son humanité en une confrontation aux points d’achoppement dressés contre ses pulsions narcissiques ou dominatrices, devant sa pensée forcluse en son égotisme (égoïste) et face à sa liberté abstraite.

   Et l’on décline l’humanité en différentes acceptions : un  état premier spéciel ou un état de fait biologique  -de tout individu appartenant à l’espèce, quel que soit son degré de développement. Une synthèse émergente   -d’un fonds spéciel s’exprimant en ek-stases multiples qui, toutes et chacune, peu ou prou, valent par elles-mêmes. Une communauté   -champ, lieu et matrice de l’humanisation (de l’actualisation de l’humanitude et du devenir humain). Mais aussi, un  état ou un sentiment d’appartenance et une  pulsion propulsive   - vers l’autre, en une ouverture rétro-définitoire et selon un sentiment d’appartenance nourri par une faculté imaginative ou projective (dotant autrui d’une capacité d’affects[5]).  Et encore,  un modèle/miroir et un guide/image. Une source/moteur et une destination/réalisation : projection, émanation et ombre portée d’une raison de vivre (d’une quête de sens) qui est constituante. Déclinaisons multiples donc, qui se complètent d’un ensemble de capacités communément partagées et  recouvrant la possibilité d’intégrer en unité ouverte un ensemble de perspectives et une diversité de données  -de soutenir un ‘être ensemble’ relationnel en une situation d’intersubjectivité, d’interactivité et d’interférences[6]… Où l’humanité est concept (représentation intellectuelle et idéelle de la nature humaine),  principe (englobant et protecteur), statut (a priori ne souffrant aucune exception  -à action rétro-active et formatrice de son sujet), dignité (valeur hors de tout échange), espace de droit (droit de l’homme et de tous les hommes), valeur (de l’homme, par l’homme, pour l’homme  –tout homme), construction (en cours  –évolutive et expansive), projet (porteur et cohésif),  virtualité  (composition indéfinie et indéfinissable, jamais finie  –à soutenir face au risque extrême de s’y perdre), structure pratico-opératoire et réseau symbolique : où tout homme est un être relationnel formé des organisations qui le précèdent et offert au langage qui le libère.

                     L’humanité comme évidence :

   Incertaine, transgressive et in-finissable, émargeant à toute définition fixiste, l’humanité existe. Elle se dit, proclame et auto-proclame  -parle à qui veut l’entendre et  fait sens. Elle s’affiche dans les yeux d’un enfant  -émeut et s’émeut. Par suite, plurielle en ses déclinaisons, multiple en ses manifestations, diverse en ses expressions,  elle existe  -en tous, jusqu’à l’inhumanité.  De fait, il faut tout prendre à l’homme pour la faire taire : ses biens et ses repères, ses statuts et fonctions, son énergie et ses proches. Tout et bien plus : l’image même de lui-même, son avenir et ses projets. Tout et au-delà : ses raisons d’être ou de persister  –ses rêves et ses espoirs. Tout lui enlever, pour qu’un mécanisme halluciné signant un dessaisissement (propre à l’oubli de soi) puisse prendre le pas sur son fait humain.  Mais qu’on lui rende l’espoir et elle se réveillera, plus forte, plus criante. Donc, l’humanité existe : elle peut être niée ou malmenée dans les camps de la honte  –de concentration ou d’immigrés. Et le tortionnaire doit mutiler corps et esprit pour maintenir la cohérence de son abstraction, la force de son aveuglement ou l’illusion de son élection  -maintenir le sens illusoire qui habite sa folie. Elle existe : l’inhumanité est l’un de ses possibles monstrueux  –explosant dans le ‘sans scrupule’, le ‘sans liance’, ‘sans reconnaissance’ (dans la forclusion perverse d’un moi malade de son ouverture anxiogène). Elle existe : il est des traitements indignes d’elle  –s’imposant comme tels à tous et à chacun. Elle existe et existera tant qu’il sera au moins un homme, un seul, capable de voir dans la torture, le mépris, le finalisme utilitaire, ou encore dans la misère, des conditions indignes de l’homme  –de tout homme. Elle existera tant qu’elle refusera de placer son advenir, un advenir supposé plus ‘réalisé’, au-dessus de l’individu de chair et de sang. Par suite, est foncièrement humanicide le refus proprement idéologique de faire droit et place (dans les affirmations, constructions et existenciations humaines) à l’altérité, à la pluralité et au sens ou à la force interpellante de la présence charnelle. Humanicide le refus de faire place et droit à une communauté de solidarité, au champ de la sensibilité et à l’espace de l’émotivité. Humanicide, le refus de faire place et droit à l’imprévisibilité, à la ‘différance…’ et à la gratuité –à la liberté.

   Au bout du compte, l’humanité existera en droit et en fait aussi longtemps que la communauté échappera à la masse ; le groupe à la foule ; le pluriel au sériel ; l’individu au moyen. Elle existera en droit et en fait aussi longtemps qu’elle ne scindera ni ne transfigurera la réalité charnelle  et la dualité expressive de l’être (où corps et esprit se verraient désolidarisés). Aussi longtemps que l’homme résistera tant à l’immersion confusionnelle (en son donné organique ou en son présent) qu’à l’abstraction  recouvrant déracinement et désaffiliation. Aussi longtemps que le corps se distinguera d’un assemblage insignifiant ; l’organisme d’un  agrégat organique ; la liberté d’un développement processuel ; et le génome  d’un Programme finaliste ou finalisé par tiers. Aussi longtemps donc que la personne différera du personnage, l’individu  du rouage, le corps de la force productive  et l’identité de l’état évanescent. Enfin, l’humanité subsistera, l’humanicité s’épanouira et l’humain s’affirmera dans l’actualisation de l’humanitude, aussi longtemps que l’homme apparaîtra comme un être indispensable, irremplaçable, gratuit et imprévisible. En une matière plus proche qu’il n’y paraît, Finkielkraut remarque qu’un système totalitaire s’attache à saper le fonds humain pour asseoir la volonté mégalomaniaque et pathologique[7] du dictateur: «(...) les camps de concentration ne sont peut-être pas économiquement utiles, mais ils sont ontologiquement nécessaires. Car, pour assurer le règne de la volonté unique, il faut à la fois liquider l’Ennemi de l’homme et liquider en l’homme la spontanéité, la singularité, l’imprévisibilité, bref, tout ce qui fait le caractère unique de la personne humaine. Les usines de la mort sont également des laboratoires de l’humanité sans hommes.»[8].  Un monde sans hommes, tel est  également  le risque extrême  porté par les techniques nouvelles. Où régneraient déterminismes ou préformismes, probations et vérifications, mécanismes et automatismes (…)

 

                   L’homme ?

   Terme complexe parlant de quelques milliards d’individus, tous différents. Traitant d’une espèce unique et diverse. Et présentant un concept, un schème paradigmatique, un fait anthropologique ou encore un état générique -pour recouvrir en cette dernière occurrence son «opposé de genre»: la femme. Terme plurivalent ou ambivalent : comme l’humain oscillant du substantif à l’adjectif ; comme l’humanité s’étendant entre un horizon référentiel et un fonds spéciel, un substrat principiel et une construction.

   Comment subséquemment définir ce spécimen ne cessant de se dé-spécifier ? Sans le trahir (en réduction ou fixation) ni l’anéantir (en dispersions) ? Peut-être par déclinaison en plans soumis à une nécessaire intégration. Où l’individu humain serait, en son fait métabolique comme en son édification identitaire,   totalisation en cours : toujours reconduite, toujours soutenue et jamais accomplie  -existence en existance. Où de même la personne serait perpétuellement inachevée en sa personnalisation –ni finie ni stabilisée en inertie ou compacité. Où parallèlement, l’homme serait en sa réalisation spécielle et anthropique, en son humanité donc, un projet en  construction : construction continuée et incessante relevant d’une invention en soutenance. Construction incertaine inscrite dans le devenir et porteuse en son ouverture de futurs inédits. Par ailleurs, en son humanitude, le sujet est soumis à son seul fait  -pris et dépris entre ses limites et la lecture qui en est opérée. En cette perspective, de l’individu au spécimen, de la singularité peu ou prou autoréférée à la communauté spécielle, de la subjectivité volitive à la sensibilité réceptive, l’Homme est sans But ni Destination  -conséquemment, pareille situation ou latitude ouvre à tous les devenirs, tous les espoirs et tous les dangers.

   Car cette malléabilité (néoténie), l’imparfaite assignation à demeure et cette ‘naïveté’[9] originelle de l’homme lui ouvrent les portes de la liberté et du monde en sa pluralité comme en ses potentialités ou virtualités. Nonobstant, ces traits constitutifs et ces déterminations trouées permettent  concomitamment l’ingression du non-soi, la mouvance identitaire et l’émergence d’une volonté décisionnelle autoréférée, voire a-référée dès lors qu’elle se rapporte à une identité de pure puissance. Mais aussi, permettent l’évanescence des états et l’inconséquence autant que l’incohérence existentielles répondant à l’inconsistance individuelle. Où finalement les traits ouvrant à la nouveauté et soutenant la liberté soumettent l’individu au risque incessant d’une explosion ou d’une dispersion.

Selon cet horizon référentiel, l’individu entre dans la vie par ou en un métabolisme incessant et le Pour-soi entre en existence par une construction continuée. De même, l’être-là entre en situation : donnée mais à percevoir et  à interpréter -imposée mais à soutenir en la modifiant, incontournable mais à dépasser en délivrance.   Conséquemment, le Pour-soi entre en existence comme l’homme entre en humanité : à partir d’une hominité biologique spécielle, d’une humanitude constituante  et d’une humanicité de principe  et  d’état (à assumer cependant). Par ailleurs, l’individu est ancré dans le projet génésiaque qui le fit, dans son corps qui l’ouvre au monde et dans son enfance qui le forma pour qu’il s’en émancipe. Ancré dans des relations porteuses et factrices d’affirmations et de particularisations. Dans ses incomplétudes, sa perméabilité organistique et sa malléabilité neurale. Et par suite, dans ses dénégations et ses désengagements, sa distanciation et son existence (son existance). Ancré ; et cependant toujours orienté vers l’avenir, l’arrachement ou la libération. Partant, l’homme coïncide en divergence œuvrée avec le ‘Moi’ élaboré. S’accorde en dissidence soutenue avec le vécu mémorisé et organisé. Correspond en délivrance active à sa chair sans cesse renouvelée. Et s’identifie en différance (soutenue, pensée et toujours ambiguë) à ses gènes. L’individu humain coïncide en existance avec ce qu’il ‘est’, ce qu’il fut et ce qu’il projette. Et encore avec ce qu’il fait ou construit, pense et ressent, perçoit et préhende. Mais aussi avec ce qu’il nie, renie ou dénie  -et avec ce mouvement de négation ou de néantisation. Coïncide donc sans coïncider jamais. Car le ‘Moi’ se réorganise. Car la chair, outre son renouvellement organique, ne dit pas le tout. Car l’homme se fuit hors de lui-même comme il fuit ou défait le déterminisme protéique de ses gènes. Comme il s’échappe dans son futur, ses projets, choix, sentiments et combats. Comme il se fuit dans ses œuvres –pour se trouver. Qu’est-ce que l’homme?  Celui qui s’inscrit : dans l’’auto’ de l’auto-définition ; dans l’ ‘ex’ de l’existence, de l’extériorisation et de l’extraction ; dans le ‘méta’ du métabolisme, de la métaphore et de la métamorphose ; et dans le ‘trans’ de la transcendance, de la transformation (propre et mondaine), de la transposition ou de la translation. Mais il est tout autant  un ‘être par’ : par son métabolisme et par le monde (métabolisé). Un ‘être-là’   : en une émergence s’imposant en présence. Un ‘être-avec’ : avec  l’autre et pour et grâce à lui. Un ‘être-au-delà’ : de la matière qu’il est, des limites qu’il perçoit et de l’immédiat qu’il repousse en représentations et différance. Un ‘être dans’ : dans ses appartenances et relations (appartenances factrices de relations). Et encore, un ‘être entre’ : entre état et devenir, Thanatos et Eros, passé et futur, matière et matière en fuite…

 

                         Facteur ‘X’ et transgression :

   L’homme a pour nature la négation de toute Nature  -existence en existance, projet en soutenance. Avec un corps sentant/ressentant situé  –mais un corps se décorporisant en représentations.  Telle soutenance métabolique et dialectique et tel mode relationnel et situationnel font de chaque individu une singularité unique et irremplaçable : de chaque personne une histoire. En conséquence, c’est-à-dire aussi en son origine, l’Homme est le facteur ‘X/Y’  -‘X’ et ‘Y’ comme chromosomes évidemment, mais également comme inconnues. Comme confluence de données d’où s’esquisse le sujet. Car l’homme est l’inconnue d’une équation polyfactorielle : il l’est dans son être toujours mouvant et changeant, dans son devenir et dans son insertion ou son impact dans/sur le monde environnant. Il est l’inattendu construit dans la transgression : du donné et des interdits. Et transgression de l’espèce et du corps intime  -impliquant vraisemblablement à  moyen terme une transfiguration de l’Homo sapiens. Certes, celui-ci a toujours avancé de la sorte  –accompagnant sa progression d’insoumissions toujours nouvelles. Contre les forces et phénomènes naturels; contre les religions et leurs dogmes ; contre les lois temporelles et leurs décrets arbitraires ; contre les traditions et le conformisme ; et contre la bio-logie (médications, prises en charge machinale de certaines fonctions, greffes).  Il déborde de la sorte les déterminations et les limitations : à l’encontre de sa nature sans Nature  -contre les arraisonnements, la souffrance et la mort. Ainsi, les acteurs de l’aventure anthropologique ont changé le monde, modifié l’environnement, transformé l’être (des êtres), remanié le corps et transfiguré les espoirs et désespoirs. Dans la foulée, ils ont (nous avons) métamorphosé le mode d’être ‘au monde’  -inscrit  dans la dimension relationnelle dès lors que l’homme opère par liances et reliances. Nonobstant, insensiblement, cette liance ou cette réceptivité font place à la désagrégation, à la solitude et à l’égo-centrisme (d’un ego volitif délié de sa réalité substantielle). Déjà, nous laissons  de plus en plus souvent notre corps à la technique, au chirurgien esthétique ou au placard. Et nous envisageons d’abandonner nos organes au laboratoire, nos gamètes et nos embryons à l’azote, nos genèses à la machine, nos relations au virtuel, notre plaisir à la chimie, notre bonheur aux manipulations, notre présent aux précautions, notre futur aux programmations  et aux prédictions et notre avenir à la science  –pour faire très prochainement de nos existences des éclats insensés en leur incohérence. Qu’est-ce que l’homme, demandions-nous ? Sans doute celui qui se trouve dans le signe et  le symbole. Se trouve dans le ‘trans’ de la transfiguration (de lui-même et du sens) et de la transposition. Et encore dans le ‘trans-percement’ de son corps recevant activement la matière autre pour en faire l’élément de sa survie  –en faire sa matière propre. Où l’homme se préhende finalement comme un ‘soi’ de référence (à soi) ou d’assise, un ‘moi’ construit et mnésique, et un ‘je’ d’expression ou d’extériorisation   -en co-étance mondaine et affective…..

 

Attention, ce texte est protégé par les règles et droits de la propriété intellectuelle!!!!!

                      Jacqueline Wautier

[1] Analyse du plaidoyer de Las Casas (Controverse de Valladolid, août 1550), in L’humanité perdue, p. 25.

[2]L’humanité de l’humanité, p. 59-60.

[3] L’humanité perdue,  p. 145, - 148.

[4] A qui répondre dans le moment et le mouvement où celui-ci répond de lui.

[5] Où, selon les termes de M. Revault d’Allonnes, «(…) est inhumain celui qui, privé de son pouvoir d’imaginer, est  (…) incapable d’accéder par l’imagination au point de vue d’autrui et même d’imaginer qu’autrui a un point de vue (…)», Fragile humanité, p.162.

[6] Ou encore, un surplus de subjectivité et d’éthicité - permettant à l’individu de reconnaître (en lui, pour lui, comme en l’autre, pour l’autre) une temporalité finie, une irremplaçabilité indépassable, une béance du sens et, concomitamment, des failles multiples où s’affirment la possibilité des possibles, la liberté des libertés, le risque de tous les risques et la valeur des engagements.  Voire ces failles ; les vivre pour exister vraiment ; leur donner sens pour donner sens à l’existence ; les préserver pour sauvegarder la liberté, la valeur et la dignité entraîne nécessairement un respect de tout humain – quelles que soient ses propres failles, imperfections ou impossibilités… // Gain d’indétermination où peuvent s’engouffrer l’invention de soi, l’invention d’un sens, l’invention d’une valeur.

[7] Pathologique en en ses ruptures comme en son autosuffisance.

[8] L’humanité perdue, p. 111.

[9] Cette latitude des possibles et cette ignorance eu égard à son identité propre ou à ses spécificités définitoires.

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