Les Écrits

Après le film de Xavier Beauvois, réflexion sur les relations Christianisme et Cinéma

Bien plus nombreuses et explicites actuellement au Cinéma que dans les autres formes d'art visuel (dans les arts picturaux par exemple), ce qui fait la dangerosité de celui-ci en tant que Médium intellectuel et influence (négative?) des esprits.

 

Les films au cinéma s'inscrivent ainsi dans une double temporalité (le temps du film et le temps du récit du film). Comme pour le culte chrétien, la temporalité du film ouvre ainsi à la spiritualité (cas typique du dernier film de Beauvois).

 

Un film raconte le plus souvent une histoire, possède un scénario très élaboré ou des personnages bien typés. Un film cherche à aller au-delà de la vie le plus souvent, pour tenter d'aller vers une sorte d'universalisme (comme toutes les formes de Religion d'ailleurs).

 

Les films ouvrent à une dimension autre, quasi-invisible (cas aussi d'"Oncle Bonmee", dernière Palme d'Or à Cannes 2010).

 

Le film comme expérience spirituelle:

 

C'est ainsi que le Cinéma explore les symboles, les mythes ou les épopées humaines (s'approchant en cela des chapîtres de la Bible et donc du religieux) pour établir soit une Morale, une parabole ou une démonstration.

Au cinéma, les vies sur Jésus et le christianisme d'ailleurs sont foison; il n'est qu'à remarquer un des plus connus, "Jésus de Montréal" (1989) de Denys Arcand, qui n'hésite pas à faire de la vie de Jésus un spectacle, tandis que l'amitié d'une équipe d'acteurs est racontée comme une parabole évangélique, jusqu'à symboliser la vraie vie de Jésus. Le vrai Jésus n'est pas celui qui est filmé comme tel, mais celui qui vit comme lui, qui l'incarne dans la vie de tous les jours dans une société corrompue et malsaine. A la fin du film, ce paradoxe se résorbe dans la rencontre des deux personnages: l'acteur meurt véritablement (et accidentellement), au moment où il représente le Christ sur la croix. Le film et la vie de Jésus se rejoignant ainsi.

 

Autre film réalisé par un laïc marxiste cette fois, "La Ricotta" (1963) par Pier Paolo Pasolini, qui met en scène ce paradoxe: le vrai Jésus n'est pas celui qui est filmé, mais le mendiant dont personne ne s'occupe. Paradoxe que l'on retrouve dans "La Passion selon Saint Mathieu" (1964), la Foi chrétienne y est véritablement représentée comme révolutionnaire (donc trop dangereuse pour les notables de l'époque, car contestant les hiérarchies sociales, les équilibres politiques crées et par ce biais-là, l'Empire Romain).

 

Avec ces trois films atypiques sur la vie de Jésus, la vie et l'Evangile se rejoignent grâce à la fiction cinématographique, ce qui amène au rôle des images et à leur représentation (problématique des icônes et de leur sanctification dans le culte chrétien).

 

Représenter Dieu au cinéma:

 

On retrouve ce paradoxe (le Christ est bien présent, mais ailleurs que là où il prétend être montré, raconté, imité), dans des films qui s'attaquent directement aux méfaits supposés du christianisme; il n'est qu'à voir des films comme "Le Festin de Babette" (1987) de Gabriel Axel ou "Breaking the Waves" (1996) de Lars Von Trier. Critique de la Religion Protestante austère au nom d'une autre idée de l'apprentissage de la foi et du partage, et non suivant des dogmes ou rites imposés (et vides de sens) par une hiérarchie cléricale invisible et lointaine. Ces films profondément anticléricaux sont souvent des films bibliques (au sens premier du terme).

 

La Bible, la présence de Dieu (dans les paysages, au monastère...) sont très présents dans le film de Xavier Beauvois "Des Hommes et des Dieux"; comme aussi paradoxalement dans bon nombre de films n'ayant pas trait directement ou explicitement au religieux (avec de nombreuses thématiques religieuses comme le péché et la grâce, la force de la parole, du prêche, du témoignage, la confiance en un avenir réparateur (parabole très chrétienne), la force de la rédemption...). On peut le vérifier ainsi dans des films très divers comme "La strada" de F.Fellini (1954), "E.T" (1982) de S.Spielberg, "Matrix" (1999) des frères Wachowsky (avec la prophétie de la venue du Sauveur et de l'Elu Néo), "Gangs of New-York" (2003) de M.Scorsese...

 

Des films polémiques:

 

L'exemple de "La Dernière Tentation du Christ" (1988) de Scorsese et sa polémique nous montrent bien que la liberté de création artistique se heurte souvent à la puissance du dogme chrétien. Certains films sur Jésus furent ainsi l'objet de scandale, pour avoir été trop libres, trop provocateurs. Aux yeux de certains clercs, ils donnaient une vision trop personnelle, réductrice de la foi chrétienne (trop païenne en somme).

 

Au moins 5 films sur Jésus suscitèrent des réactions très violentes: rappelons "La Ricotta"(1963) de Pier Paolo Pasolini qui lui valut les protestations officielles du Vatican, même phénomène avec "L'Evangile selon Saint Matthieu" (1964); films pourtant très religieux dans leurs propos et leurs mises en scène. Pasolini le déclarait lui-même: "Je suis anticlérical, mais je sais qu'habitent en moi 2000 années de christianisme(...), je serai fou si je niais cette force spirituelle qui est en moi".

 

Autre cas, "La vie de Brian" (1979) de Terry Jones qui se veut une parodie (très drôle) de la vie de Jésus, vue par les Monty Python, parodie hilarante avec une chanson de fin de film ( "Always Look on the Bright side of life") devenue tube en Grande-Bretagne (satire des chansons optimistes des dessins-animés de Walt Disney). Il faut voir Eric Idle et terry Gilliam, sur leurs croix à la toute fin du film, en train de chanter cette chanson, véritable hymne à la joie et à la " positive attitude ".

 

"Je vous salue Marie" (1984) de Jean-Luc Godard choqua lui aussi profondément l'Eglise catholique par des images trop humaines, trop profanes de Marie (une Marie trop proche de nous, s'incarnant et existant à notre époque). Godard cherchait à s'interroger sur le Sacré, la Foi par l'intermédiaire du médium Cinéma et par sa mise en scène surtout.

 

De Scorsese à Beauvois:


Et enfin, "La Dernière Tentation du Christ" (1988) de M.Scorsese, inspiré du livre de Kazantzakis, montre un Jésus trop humain, qui cède sciemment à la tentation (et le film revisite par la même occasion le rôle de Judas comme traître et de Marie-Madeleine comme concubine et femme du Christ).

 

Le film de Xavier Beauvois nous narre ainsi la vie quotidienne et le don de soi des moines de Tibéhirine dans les montagnes de l'Atlas algérien; Frère Christian (formidable Lambert Wilson) raconte bien que, pour lui, Dieu est présent tous les jours au sein de ce monastère; l'incarnation du Christ rejaillit sur ces moines à tous les instants, dans leurs travaux, leurs prières, leurs isolements ou leurs relations avec les populations avoisinantes . le monastère et ses moines sont ainsi la pure Incarnation de Dieu sur Terre (ou du cinéaste avec son film?).

Incarner Dieu, sa croyance et le don de soi, du sacrifice; voilà ce qu'essaie de faire Xavier Beauvois par son film et sa mise en scène, tout en rappelant les grands moments de la vie du Christ dans le film (La Cène notamment).

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