Apprivoiser un classique

Nous, Princesses de Clèves

Je me suis parfois demandé (certes un peu honteusement) à quoi servait au lycée l'étude de ce qu'on appelle les grands classiques. Le film documentaire "Nous, Princesses de Clèves" de Régis Sauder (2010) répond en partie à cette question que je partage, j'en suis sûre, avec bien d'autres...

Un pari audacieux

Prenez une vingtaine d'élèves issus d'un lycée de ZEP marseillais, plongez-les (mais plongez-les vraiment !) dans la lecture d'un grand classique et observez ce qui se passe. Nous, Princesses de Clèves, c'est avant tout le résultat d'une expérience qui, au fond, aurait pu ne rien donner. En effet, quoi de plus éloigné de nous que ces histoires de cour, que ces intrigues entre aristocrates qui émaillent le roman de Madame de La Fayette ? Tel était il y a quelques années, on s'en souvient, le propos de notre ex-président de la République. Toutefois, le pari du film va bien au-delà de cette polémique de 2006, qui selon les dires du réalisateur n'était en rien le "moteur premier" et n'a que "pimenté" le film.

Peu à peu, la magie opère

L'expérience prend la forme d'un long travail d'appropriation du texte. Un travail tantôt classique, scolaire, tantôt ludique et créatif. Les élèves lisent et relisent La Princesse de Clèves, analysent des passages, en apprennent par coeur, parodient le texte, mettent en scène des extraits... La caméra les suit tout au long de leur année de première ou de terminale. Au petit bonheur la chance, elle recueille des impressions de lecture, des confidences, va même à la rencontre des familles. Les parents eux-mêmes sont amenés à découvrir et commenter des passages du texte. Le livre se fait à l'occasion objet de médiation entre la famille et les amis, le milieu scolaire et la vie à la maison. L'univers de la Princesse de Clèves vient alors se miroiter dans celui des lycéens et les deux nébuleuses se donnent mutuellement du sens.

Un fascinant jeu de miroirs

Les élèves prennent d'autant plus goût au texte que les personnages et les situations viennent faire écho à leurs propres expériences. Quand Abou prend plaisir à s'affirmer comme un "honnête homme" du XXIème siècle, Aurore, songeuse, compare son dilemme amoureux à celui de la Princesse de Clèves. Par le truchement du texte, il semble plus facile de se dévoiler, de se regarder soi-même, de se comprendre. Tous les témoignages sonnent vrais et sont d'autant plus émouvants que la caméra reste respectueuse, ne se fait jamais intrusive.

 

Un film juste, militant, nécessaire

Ce film est à voir par tous ceux qui doutent de l'utilité des cours de littérature... mais pas seulement. Il propose aussi un aperçu différent des cités, loin des clichés infiniment ressassés par les uns et les autres. Ce n'est pas la violence des cités qui est mise en exergue, mais plutôt les espoirs qui tentent de s'épanouir dans cet environnement complexe.

En savoir plus

Nous, Princesses de Clèves, un film documentaire de Régis Sauder (2010)

A voir aussi : La Belle Personne de Christophe Honoré (2008), avec Léa Seydoux.

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