"Rester vivant" au Palais de Tokyo

Michel Houellebecq : la possibilité d'une exposition

Rester vivant. Ainsi se nomme l'exposition créée par Michel Houellebecq au Palais de Tokyo. Un parcours poétique, qui alterne textes, photos et installations, dans une scénographie qui offre une narration en 3 D de l'univers de l'écrivain. On retrouve ses thèmes de prédilection : la solitude, le paysage, le voyage, les vaches, l'érotisme, son chien Clément... Mais aussi quelques invités inattendus : Arielle Dombasle, Robert Combas, Maurice Renoma, Iggy Pop. Une expérience unique, d'une grande densité, qui ravira les houellebecquiens et nourrira la curiosité des réfractaires.

Michel Houellebecq et son chien en Irlande. Extrait d'un vidéo-montage.Exposition Palais de Tokyo,

Encore un talent de plus! Michel Houellebecq n'en finit pas de déplacer les lignes et de se mouvoir dans l'universalité de sa narration : écrivain, poète, chanteur, photographe, acteur et maintenant concepteur d'exposition. Rien n'arrête l'écrivain emblématique, qui n'est jamais là où on l'attend. Après avoir affolé la France avec Soumission, en évoquant l'arrivée au pouvoir en France d'un candidat musulman, Michel Houellebecq est reparti vers les sources de son inspiration pour mettre en scène une exposition de son propre univers : Rester Vivant. Découvrez nos 7 arrêts sur image, temps forts de cette expérience unique, à ne pas rater. ( Toutes les photos ont été prises à partir des photos et des installations de Michel Houellebecq dans le cadre de l'exposition).

1/Le jeu du "je"

Après la narration dans la fiction, la réalité de l'auto-exposition. Le résultat est impressionnant : images puissantes, univers qui semble familier, car il existe déjà par les livres, séquences-surprises.  Dès le début de l'exposition Michel Houellebecq, annonce la couleur : faites vos jeux. Car l'écrivain-scénographe va s'amuser avec son spectateur, l'engloutir dans son imaginaire. L'auteur de La carte et le territoire a toujours aimé jongler avec les apparences et témoigné d'un sens aigu de l'observation visuelle. Il se révèle un photographe inspiré, qui transfigure le réel. 

2/Architextures

Michel Houellebecq aime l'architecture. Non pas tant pour sa beauté, mais pour ce qu'elle dit de "la vie qui va avec". Cette photo est prise depuis l'appartement de l'écrivain dans le 13e arrondissement. Il est écrit sur le côté : "Je n'avais pas davantage que la plupart de ces gens, de véritable raison de me tuer". La ville et l'amoncellement des autres. Chaque individu, fragment dans la grande plage urbaine. Le monde serait-il plus agréable sans l'homme ?

3/Tourisme, la possibilité du rien

Les voyages touristiques sont un grand thème de Michel Houellebecq, dont Plateforme est l'acmé. Au coeur du parcours de l'exposition, un grand parterre d'une soixantaine de mètres carrés, composé d'une mosaïque de grandes cartes postales. Le visiteur les piétine tout en entendant une bande sonore parlante qui ressemble à celle d'un aéroport. L'accumulation des destinations annule leur singularité. A l'ère de la mondialisation, le tourisme de masse a créé l'anéantissement du sens, l'abondance du rien. Le passage dans la salle des "cartes perdues" est une expérience sensorielle spectaculaire.

4/Les vaches : rumination et contemplation

Michel Houellebecq a confié qu'il aimait parfois s'asseoir , rester immobile et essayer de ruminer comme les vaches. Cette vache-ci, sculpturalisée, a les yeux qui contemplent, non pas le train qui passe, mais Arielle Dombasle qui apparaît dans un film. Créature inaccessible presque mutante, Arielle défie le temps sur son écran géant, pendant que la vache imperturbable a figé ses rêves de plastic pour l'éternité.

5/Le chaos créatif

Dans une grande salle consacrée aux peintures de Robert Combas qui met en images des poèmes houellebecquiens, l'écrivain a voulu reconstituer un cabinet de travail envahi par le chaos. Fragments du désordre créatif,  qui gisent épars dans ce cabinet de banalités, d'où jaillira peut-être l'inspiration. L'alchimie de la transformation du banal à l'oeuvre. Chez Michel Houellebecq, il n'existe pas de hiérarchie entre le beau et le laid, le futile et l'essentiel. Tout peut faire sens. Tout ou rien.

6/L'érotisme à l'ère de la consommation

Pour Michel Houllebecq, la vie est une souffrance déployée. L'érotisme en est la consolation. A l'ère du jetable, le plaisir furtif est roi. A l'époque de la consommation, l'érotisme est une autre manière de jouer avec son désir. La femme y est adolescente et incertaine. On est loin des rêveries de David Hamilton. L'éclairage est cru, et malgré le jeune âge, les corps suréclairés portent déjà la trace de leur future dégradation. Comme l'écrivain l'avait observé dans Les particules élémentaires , la société de Mai 68 a érigé la jeunesse comme valeur absolue, en oubliant que cette valeur allait se retourner contre leur propre génération à l'heure du vieillissement. Le couturier des stars, Maurice Renoma, est l'invité de Michel Houellebecq dans la scénographie de cette salle.

7/L'incarnation de l'amour absolu : le chien Clément

André Breton a eu Nadja, Michel Houellebecq, Clément. Clément le corgi, à l'attachement irréductible, à l'amour sans condition. Clément qui est mort en 2011, et pour lequel Michel Houelleebecq a imaginé un mausolée sur fond de moquette tartan, et de parois de lambris cirés. Dans une vitrine, telles des reliques, sont rassemblés la plupart des objets et jouets avec lequel le chien, "machine à aimer",  jouait. Le film-montage final dont la voix off est dite avec une gravité extatique par Iggy Pop est entièrement réalisé en hommage au chien, avec le même soin que s'il s'agissait d'une star. C'est un peu le "Un jour, un destin" consacré à Clément. La ressemblance avec son maître s'accentue au fil des images, la complicité qui les unit aussi. Qui est le plus "humain" des deux? Le chien bien entendu, le plus expressif en tout cas. L'exposition se termine ainsi sur cette ode à un être aimé. Si certains doutaient encore de la puissance créatrice de Michel Houellebecq, ils seront désormais convaincus du contraire. Aimeront-ils pénétrer dans cet univers parfois dérangeant? Ceci est un autre sujet. Mais nul ne pourra désormais nier que Michel Houellebecq est un extraordinaire performer qui sait jouer de tous les instruments narratifs. Son travail explose les limites de l'écrivain, dont il incarne aujourd'hui une figure démultipliée. Les réfractaires en auront pour leur curiosité. "Rester vivant " leur donnera  peut-être envie de se mettre à la photo, de voyager avec lenteur, de regarder autrement le monde des objets ordinaires. Et même, qui sait, d'adopter un chien.

>Lire aussi notre article : Michel Houellebecq, la mutiplication d'un écrivain , ainsi que  la tribune d'Eric Val-Harboit sur Michel Houellebecq, performeur de la déchéance.

En savoir plus

>Michel Houellebecq, Rester vivant
Palais de Tokyo​, Paris
23 juin-11 septembre 2016
Commissariat d'exposition: Jean de Loisy
'Ci-contre, l'affiche de l'exposition 

 

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