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Didier Decoin : une plongée poétique dans le Japon ancestral

 Le dernier livre de Didier Decoin, Le bureau des jardins et des étangs (Stock), fait partie de ces récits envoûtants qui ne vous quittent plus. On y découvre  le périple d’une jeune femme convoyant des carpes dans le Japon millénaire, qui affronte les séismes, les voleurs, les monstres des rivières et les fastes de l’Empire du Soleil Levant. Viabooks revient sur ce voyage au coeur du Japon ancestral.  

Didier Decoin est un des écrivais français cotemporains les plus importants. Son dernier livre est une merveille. un peu plus en détails un des auteurs phares de la littérature française contemporaine.

Le bureau des jardins et des étangs, une plongée au coeur du Japon ancestral 

Japon, aux alentours de l’an Mil, Shimae, un village paysan sur les bords de la rivière Kusagawa.Cet humble village a un talent : celui d’abriter le pêcheur Katsuro, virtuose dans l’art d’attraper et de transporter des carpes de grande valeur, d’inestimable beauté, vers la ville impériale d’Heiankyo, la cité de tous les raffinements, de tous les plaisirs, et surtout, la ville où se trouve le bureau des jardins et des étangs. À la mort de Katsuro, qui se noie dans la rivière, qui parmi les villageois va pouvoir prendre sa suite et relever le défi ? Poser sur son dos le lourd fardeau des nacelles d’osier où tournoient les carpes boueuses, et en équilibre, marcher jusqu’à l’épuisement, traverser tous les dangers jusqu’à la capitale ? Qui ? Sinon la veuve de Katsuro, la ravissante, l’effarouchée, la délicate Miyuki.

Pourquoi c’est une merveille? Le bureau des jardins et des étangs fait partie de ces œuvres qui vous dépaysent. On se laisse emporter par la sensualité, la cruauté et l’exotisme de ce récit, comparable à une estampe. L’auteur nous plonge dans la culture nipponne et nous fait découvrir les coutumes et la religion de ce pays. Cependant il opte pour un aspect du Japon que l’on n’a pas l’habitude de retrouver dans les livres et qui par conséquent est agréablement surprenant. L’histoire est quant à elle très séduisante, on se captive pour la quête et les aventures de cette jeune femme veuve. Dans son récit, Didier Decoin, porte une grande importance au sens. En effet à travers le concours de parfum qui est organisé dans le livre, l’auteur développe tout une réflexion autour des odeurs qui est très agréable à lire. La sensualité des corps est également très présente, voire parfois un peu crue. Ce qui est sûr c’est que Le bureau des jardins et des étangs est un très beau conte sensuel et dépaysant. Un voyage dans tous les sens du terme.

Extraits du Bureau des jardins et des étangs

« Après une longue claustration accompagnée de la stricte observance des restrictions alimentaires liées au deuil, et après avoir lustré le corps de Katsuro à l’aide d’une étoffe sacrée destinée à en absorber les impuretés, Amakusa Miyuki s’était soumise au rituel destiné à la purifier de la souillure entraînée par la mort de son mari. Mais comme il n’était pas envisageable que la jeune veuve s’immergeât dans cette même rivière où venait de se noyer Katsuro, le prêtre shinto s’était contenté, les lèvres pincées, de secouer sur elle une branche de pin dont l’eau de la Kusagawa avait mouillé les rameaux les plus bas. Puis il l’avait assurée qu’elle pouvait à présent renouer avec la vie et montrer sa gratitude aux dieux qui ne manqueraient pas de lui transmettre courage et force. »

« Les femmes de pêcheur avaient en effet la réputation d’être des geignardes. Quand elles ne récriminaient pas contre leurs époux ou contre les intendants, elles critiquaient l’osier dont la qualité, disaient-elles, se dégradait un peu plus chaque année, avec pour conséquence que le courant de la Kusagawa démantibulait les engins de pêche deux à trois fois plus vite qu’autrefois – alors qu’en réalité, c’était l’habileté de ces femmes à tresser les nasses qui était en cause.

Elles tiraient du fond de leur gorge des voix larmoyantes pour reprocher à leurs maris leurs pêches trop maigres, leurs vêtements toujours humides qui pourrissaient plus vite que ceux des paysans, leurs filets troués qui laissaient s’enfuir les plus belles proies. Ou bien elles se lamentaient à propos du peu d’empressement des intendants impériaux à commander de nouvelles carpes pour repeupler les bassins d’Heiankyō. »

Didier Decoin, l’écriture une affaire de famille 

Né à Boulogne Billancourt en 1945, Didier Decoin est un scénariste et écrivain français. L’écriture est une passion de famille puisqu’il est également le fils du cinéaste, écrivain, scénariste et réalisateur français Henri Decoin. Après des études secondaires au collège Sainte-Croix de Neuilly-sur-Seine, il débute sa carrière comme journaliste de presse écrite à France Soir, au Figaro et à VSD, et à la radio sur Europe 1. Parallèlement,  à vingt ans Didier Decoin se lance dans l’écriture et entame une carrière de romancier avec un premier livre intitulé Le Procès à l'amour. Par la suite, il écrira une vingtaine de romans dont John l’Enfer qui sera couronné par le Prix Goncourt en 1977. Il devient scénariste au cinéma puis à la télévision. Il fera de nombreuses adaptations et scripts pour la télévision comme les grands téléfilms Les Misérables, Le Comte de Monte-Cristo, Balzac ou Napoléon. En 1995, il est élu à l'Académie Goncourt, dont il est l'actuel Secrétaire général. En 2012, il prend la présidence à l'unanimité du Festival International des programmes audiovisuels (FIPA). Les mots ont donc une place importante dans la vie des Decoin puisque son fils, Julien Decoin, est aussi écrivain. 

Les œuvres incontournables de Didier Decoin 

John l’Enfer, 1996, (Seuil) : Triomphante, folle de ses richesses, de sa démesure et de ses rêves, New York se délabre pourtant, rongée de l'intérieur. John L'Enfer, le Cheyenne insensible au vertige, s'en rend bien compte du haut des gratte-ciel dont il lave les vitres. Il reconnaît, malgré les lumières scintillantes des quartiers de luxe, malgré l'opacité du béton des ghettos de misère, les signes avant-coureurs de la chute de la plus étonnante ville du monde : des immeubles sont laissés à l'abandon, des maisons tombent en poussière, des chiens s'enfuient vers les montagnes proches… Bientôt devenu chômeur, accompagné d'un juif polonais exilé et d'un jeune sociologue aveugle, John L’Enfer entre dans le ventre obscur de New York dont il prédit l'agonie. La ville finira-t-elle vraiment par s'autodétruire ? Sous fond apocalyptique de la décadence de New York trois personnages, trois destins atypiques se dévoilent sans se livrer complétement. Ce livre est doté d’un très bon fil conducteur, de nombreuses voix s’ouvrent et ne sont pas toujours celles attendues. Nous sommes facilement happés par la lecture notamment grâce au style particulier de Didier Decoin.

Est-ce ainsi que les femmes meurent ?, 2009, (Grasset) : Catherine Kitty Genovese n'aurait pas dû sortir seule, ce soir de mars 1964, du bar où elle travaillait, une nuit de grand froid, dans le Queens, à New York. Sa mort a été signalée dans un entrefilet du journal du lendemain : «Une habitante du quartier meurt poignardée devant chez elle.» Peu de temps après, le meurtrier est arrêté, un monstre froid et père de famille. Rien de plus. Une fin anonyme pour cette jeune femme drôle et jolie. Mais sait-on que le martyre de Kitty Genovese a duré plus d'une demi-heure, et surtout que trente-huit témoins, bien au chaud derrière leurs fenêtres, ont vu ou entendu la mise à mort ? personne n'est intervenu. Qui est le plus coupable ? Le criminel ou l'indifférent ? L’œuvre de Didier Decoin fait froid dans le dos puisqu’il a fait le choix de nous raconter d’une histoire vraie. C’est un roman fort qui dérange et qui dévoile de sombres facettes de la nature humaine. L’auteur soulève une multitude de questions et pousse le lecteur à réfléchir sur notre lâcheté collective, nos faiblesses et nos défaillances. Ce livre est un vrai face à face entre le lecteur et lui-même. L'auteur ne prend pas parti, ne juge pas. Il nous laisse seul face à ce dilemme ; qu'aurions-nous fait à leur place ?

La pendue de Londres, 2013, (Grasset) : Londres, immédiat après-guerre. Ruth Ellis, enjouée, désirable, plaît aux hommes, et sans doute les choisit-elle fort mal. Dans un Londres pluvieux et charbonneux, théâtre de vices cachés au sein une société bien-pensante, d'entraîneuse, Ruth devient prostituée. Un jour, malheureuse, violentée, mais toujours belle, et mère de famille, elle tue son amant à bout portant. Elle est condamnée à la pendaison. Bourreau, fais ton œuvre ! Et si le bourreau avait une âme? Et s'il répugnait soudain à supprimer une innocente aux boucles blondes ? Fidèle à son sujet fétiche, les faits de société, Didier Decoin nous transporte à l’époque du Londres d’après-guerre. Il existe peu de livre qui décortique si bien la folie amoureuse. Le lecteur se perd même entre le coté touchant de Ruth Ellis et sa naïveté. Néanmoins l’auteur parvient à nous émouvoir et soulève des pistes de réflexion autour de la peine de mort. C’est le portrait d'une époque que dresse Didier Decoin, et plus globalement, la prise de conscience par la société qui conduira à l'abolition de la peine de mort dix ans plus tard.

 

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