On en parle

Jonathan Franzen, écrivain de la décennie?

Sixième ouvrage de Jonathan Franzen traduit en français, Freedom est un événement littéraire, suivant l'exemple d'un auteur qui a séduit les Etats-Unis. Freedom, que l'on peut (trop) facilement résumer sous l'appelation "saga familiale", s'avère être un roman politique, qui traite sur un même plan les mesures Bush et les difficultés de communication de ses personnages. Retour sur la genèse et la réception d'un ouvrage inhabituel.

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Success story outre-Atlantique

Quatre romans, un essai, une oeuvre autobiographique: cela suffit à Jonathan Franzen pour devenir l'un des écrivains les plus appréciés des Etats-Unis. Porté aux nues, l'auteur né en 1959 met tout le monde d'accord dans son pays d'origine: Freedom, son dernier ouvrage n'a pratiquement reçu que des critiques positives de la part d'une presse littéraire souvent féroce. Point d'orgue de cet engouement: le 23 août dernier, cette fameuse une du Times, sur laquelle Franzen s'affiche sobrement comme un seigneur qui contemplerait son royaume. Avec pour titre "Grand écrivain américain", la une n'est qu'une introduction à un entretien et un portrait de plusieurs pages consacrés à l'auteur des Corrections et de Freedom. Un honneur rare, réservé aux grands: J.D. Salinger, Vladimir Nabokov, Toni Morrison ou Stephen King.

 

Contre le lecteur, tout contre

Le mythe américain? N'en jettez plus, cela fait un moment qu'il a été égratigné, malmené, réinventé et désacralisé. Pourtant, il y a encore un peu de cette attitude chez Franzen: il veut gratter le vernis national, désamorcer des idées reçues pour les renvoyer à l'expéditeur, inoffensives. L'écrivain confesse qu'il écrit entre quatre murs blancs, détaché de toute manifestation sociale, de toute influence extérieure. Peut-être. Toujours est-il que son écriture séduit parce qu'elle est habitée par une empathie certaine envers les individus qu'elle décrit. A l'époque de Facebook, le terme est peut-être galvaudé, mais Jonathan Franzen n'hésite pas à définir ainsi son principal interlocuteur dans le Guardian, en février 2010: "Le lecteur est un ami, pas un adversaire, pas un spectateur." Prenant le risque de s'approcher au plus près de ses personnages et de ses lecteurs, Franzen défie la tendance dominante de la littérature contemporaine: les descriptions froides, détachées et cruelles (qui ont aussi leurs grands maîtres).

 

Une écriture sociale

Prolongement logique, pourrait-on facilement analyser, de cet attachement au lecteur: les romans de Franzen se penchent sur la société et ses maux, qui, peu importe leurs origines (naturelles: tempêtes, tremblements de terre; ou sociales/morales: corruption, dépression économique...), détruisent, l'air de rien, si ce n'est la vie, en tout cas l'énergie de ces américains que Franzen cherche à comprendre. Patty Berglund, héroïne anonyme de Freedom, a manqué sa carrière de basketteuse à cause d'une blessure, puis a dû supporter le poids d'un viol. Mariée à Walter, un juriste très middle-class, elle hésite à le quitter pour le meilleur ami de son époux: est-ce par manque de volonté, les années ayant peu à peu étouffé la réserve d'énergie vitale de Patty? Et le risque est-il vraiment justifié, assombri par la silhouette constante de la déception? Entre la désillusion à la Richard Yates (le couple d'Une fenêtre panoramique) et les déchirement dostoïevskiens (Les Nuits blanches), l'écriture de Franzen fait parfois des merveilles, lorsqu'elle assume pleinement cette proximité finalement atypiques. 

 

Le risque d'un essouflement?

Célébré à l'unanimité? Ce serait peut-être s'avancer un peu. Il serait injuste (et faux) de dire que Franzen se répète. Il s'écoule entre 5 et 8 ans entre chacun de ses romans, qui sont conscencieusement réfléchis et pensés. Jonathan Franzen pèse chaque mot, chaque péripétie et chaque rebondissement, comme pour ne pas brusquer son lecteur ("un ami", selon ses mots). Implantant chacune de ses histoires au coeur d'un arbre généalogique plus ou moins torturé, Franzen s'est attiré quelques critiques, quant à une volonté de se hisser artificiellement aux côtés des romans du XIXème siècle (Zola inclus). Inutile de préciser que les romans de Jonathan Franzen ne brillent pas par leur côté expérimental (le magazine The Strangler répondant d'ailleurs au Times en faisant figurer sur sa couverture Tao Lin, un jeune romancier américain effronté, sulfureux, avant-gardiste et consommateur de drogues), et agacent parfois par un surplus démonstratif, particulièrement prégnant lorsque Franzen aborde des sujets politiques, les transformant en combats manichéens (écologistes contre grandes industries, démocrates contre républicains...) contrastés à outrance. Un souffle romanesque, c'est sûr, mais qui risque parfois de tout emporter dans le même marasme dramatique.

En savoir plus

Jonathan Franzen, Freedom, Editions de l'Olivier

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