« Avant que naisse la forêt »

Jérôme Chantreau, un romancier dans les arbres

Poétique et envoûtant, Avant que naisse la forêt (Les Escales) est un livre sur le deuil, le retour aux sources de la nature. Jérôme Chantreau imagine un narrateur qui se retrouve seul dans une propriété familiale avec l'urne qui contient le cendres de sa mère.Seul, pas tout à fait. car cette maison se trouve au cœur d'une forêt qui devient un personnage à part entière. Ode à la nature et à la force tellurique des arbres, "Avant que naisse la forêt" révèle une écriture belle et ample dans ce premier roman singulier.

1-  Pouvez-vous nous présenter votre livre ? 

-Jérôme Chantreau : Mon livre s’intitule « Avant que naisse la forêt » aux Éditions Les Escales. L’histoire est assez simple. Le narrateur, Albert, revient dans sa maison familiale pour organiser les obsèques de sa mère. Tout devait se passer en quelques jours, mais bien évidemment cela ne se passe pas comme ça. La maison familiale est une grande maison entourée par la forêt. C’est une famille de Mayenne, tous forestiers de génération en génération. En organisant les obsèques, il fouille dans les souvenirs et fait ressortir tous les secrets de famille. Il cherche aussi des chansons pour accompagner le cercueil de sa mère, chaque découverte qu’il fait dans cette maison va le ramener à son passé et à des moments dont il avait oublié l’existence. Ces moments-là vont l’amener à comprendre d’où il vient, qui est sa famille et surtout qui il est. Au delà de cette mémoire, il se trouve investi de cette maison aux multiples racines. En se découvrant, il va finalement s’éloigner de ses repères d’homme classique du quotidien pour se laisser happer par la forêt, notamment par la légende d’un ermite qui hante les bois…

2-La forêt est vivante et ambivalente tout au long de votre récit…

-J.C. : La forêt procure deux impressions : la sensation d’être protégé par les arbres, c’est pour cela que l’on s’y promène tranquillement. Mais aussi un sentiment d’oppression, cette peur primitive,  puisque la société s’est bâtie contre la forêt. C’est le domaine de l’obscur, du sauvage et du danger. C’est ce que l’on retrouve dans les contes. Dans ce livre, il y a des archétypes bien forts. Je n’ai pas voulu faire un roman psychologique ou psychanalytique, même si cette forêt existe, tout comme la maison et la famille. Les cinq premières pages sont autobiographiques, puis le roman reprend les rênes. Dans cette forêt, il y a diverses choses dont la peur, l’obscurité mais paradoxalement, il y a des choses qui peuvent vous prendre dans les bras comme une mère. Il y a aussi un élément, à mon sens très féminin : c’est l’eau qui parcoure la forêt et qui la suit. Des archétypes qui parlent beaucoup aux lecteurs de manière très concave. J’ai eu des lecteurs qui m’ont dit que c’était un roman léger qui rendait plutôt heureux. Et d’autres m’ont dit que c’était en revanche, un roman sur la destruction de soi et assez sombre. J’ai à peu près tous les avis demandés dans cette lecture, je pense que je le dois surtout à l’ambivalence de la représentation de la forêt dans l’imaginaire. 

3- Finalement la forêt est le personnage principal de votre roman?

-J.C. : Pour certains lecteurs, la fin est choquante. Je ne la dévoilerais pas, mais la fin ne se termine pas de la façon dont elle devrait se terminer du point de vue du personnage central. Ce n’est pas le narrateur qui est le personnage principal, mais la forêt et pour la forêt tout se termine bien. La puissance de la forêt et l’homme dont le forestier est un peu le prédateur car c’est lui qui coupe les arbres. On peut percevoir la mère comme un pharaon qui amène avec elle le plus grand chêne de la forêt, son plus beau trésor. D’où le retournement final.

4- Votre livre est-il un plaidoyer écologique ?

-J.C. : Je suis sylviculteur depuis une trentaine d’années. Même si l’on pratique la sylviculture respectueuse de la biodiversité, il m’a toujours semblé qu’il y avait une certaine forme d’hypocrisie. Nous sommes en face d’une forêt et l’homme se dit que la forêt a besoin de lui pour grandir et s’épanouir. Le livre dit que c’est faux, la forêt n’a absolument pas besoin de nous, nous ne sommes que de passage et en général quand nous avons une action sur la forêt, elle est néfaste. Comme je le dis à la fin de mon livre: « Je souhaite aux forêts de grandir loin des mains des hommes. » Ça n’arrivera pas, mais s’il y a un message écologique, c’est celui-là. 

5- Vous évoquez les arbres avec beaucoup de  lyrisme et de poésie. Comment avez-vous travaillé votre style pour atteindre cette inspiration? 

-J.C. : L’origine de mon travail, c’est la poésie depuis que j’ai commencé à écrire à l’âge de mes 13 ans jusqu’à mes 20 ans lors de mon entrée à la Sorbonne. J’ai lu et écrit principalement de la poésie, au point même que, dès mon arrivée à la Sorbonne, j’avais beaucoup de retard comparé aux autres en matière de culture romanesque. J’ai forgé les bases de mon écriture et de ma lecture, et peut-être même aussi ma propre perception des choses, à travers la poésie. Ensuite, c’est quelque chose qui est revenu naturellement. Notamment par le biais de la musique des mots. La musicalité d’une phrase, la forme courte des chapitres, la finalisation des paragraphes et surtout de la mélodie des mots. C’est la poésie qui m’a guidé. Une poésie qu’on retrouve dans le végétal et dans la faune forestière.

>Jérôme Chantreau, Avant que naisse la forêt, Les Escales

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