Hiver 2011

Les Tendances de la Rentrée littéraire

Philippe Sollers, Christine Angot, Alexandre Jardin, Philippe Delerm … mais aussi Andreï Makine, François Bégaudeau et plus de 500 autres auteurs font partie de la rentrée littéraire de 2011. Sans oublier quelques poids lourds des lettres étrangères comme John Irving, Jonathan Coe ou James Ellroy, qui  vont venir envahir les rayons des librairies. Oui, l’hiver a du bon : les soirées sont longues et rien ne vaut le bonheur d’une douce lecture au coin du feu… Avant de revenir sur nos coups de cœur, voici les grandes tendances de cette livraison portée par le flux des bonnes intentions et de la nouvelle année.


En France, nous vivons deux rentrées littéraires, l’une en septembre et l’auteur en Janvier. Traditionnellement sortent en janvier les valeurs sûres qui se rôdent en prévision des futurs Prix littéraires. Mais, nous trouvons aussi quelques jeunes talents ou d’autres qui évitent ainsi la cohue de Septembre… Quoique. Cette année avec plus de 500 nouveaux livres à l’horizon, la rentrée littéraire de janvier s’annonce presque aussi dense que la précédente. Au programme quelques livres très attendus et quelques autres qui font souffler un vent de surprise.  Voici les ouvrages qui ont retenu notre attention et sur lesquels nous reviendrons au fil de semaines afin de vous en parler davantage. 

 

La famille, encore elle ?

Thème parfois remisé du côté des vieilleries bourgeoises, le thème de la famille revient avec Les petits de Christine Angot, (Flammarion) qui décrit au scalpel la montée de la violence dans un couple et ses quatre enfants. Intime glissement vers la tension qui gomme les limites, silence de l’indicible, huis clos symbolique qui recrée un espace tragique. Et c’est la mère Hélène, qui campe un personnage vampire et maléfique dans cette famille en décomposition, à côté d’un père musicien antillais qui semble ne de voir sa survie qu’à de salutaires infidélités… Un roman sombre, dans lequel la romancière ne se met pas directement en scène et qui dérange, car Christine Angot s'attaque au sacro saint mythe de la mère, en créant un personnage maléfique pour "ses petits"...

A ne pas confondre avec le livre éponyme de Frédérique Clémençon (L’Olivier), qui suit le parcours d’un enfant qui retrouve sa mère dépressive, lorsque le père perd sa garde. Errance mentale d’un « petit » livré à lui-même, tristement désormais sans re-père.

Plus polémique mais non moins attendu, le livre qu’Alexandre Jardin consacre à l’histoire de sa famille et particulièrement à son grand père collaborateur, ancien directeur de cabinet de Pierre Laval , Jean Jardin : Des gens très bien (Grasset). Le livre étonne par son ton hostile, qui exhume un passé familial comme un lourd fardeau et qui ne manque de mêler l’Histoire et le ressentiment d’un enfant qui a du mal avec son « histoire ». Alexandre Jardin veut casser son image d’éternel jeune homme prêt à toutes les bluettes, et il nous entraîne dans une drôle de journal, qui entre fantasme, fiction, thérapie n’apporte peut-être pas grand-chose à la vérité de ce grand père « honteux » déjà évoqué par son fils, le père d’Alexandre, Pascal Jardin dans son livre « Le Nain Jaune». Difficile pour un romancier de ne pas céder  à l’excès de sa propre légende, fût-elle un peu douteuse…

 

Ecrire en référence

En cette saison littéraire, il est intéressant de constater que nous trouvons quelques exercices « d’admiration », hommages touchants, inspirations pour certains. Philippe Sollers ouvre le bal avec son Trésor d’Amour (Gallimard) un livre autour de Stendhal, Venise, Minna ( une figure féminine descendante d’une ancienne  conquête de Stendhal et elle-même spécialiste de l’auteur de La Chartreuse).. et lui-même. L’exercice pourrait sembler indigeste, il est une merveille d’érudition de légèreté à la française. Notre éternel écrivain, amoureux des lettres et des femmes signe un livre qui n’est pas un roman, pas un journal…un objet qui ne ressemble qu’à lui et qui tisse un  moment littéraire. Les allergiques au roi Sollers passeront leur tour. Les amoureux adoreront. Sollers se laisse enivrer par la Sérénissime et l’art de Stendhal… pour un peu ce serait lui l’auteur du Rouge et le Noir !

Hommage, réflexion sur l’amour des maîtres, autant que nostalgie pour les disparus, Ce qu'aimer veut dire  de Mathieu Lindon(P.O.L) évoque les années où il vécut chez Michel Foucault. Sans nous faire rentrer dans son intimité, il nous parle de cette liberté unique qui régnait dans ce lieu incarné par l’intelligence du maître des lieux. On y croise bien sûr Hervé Guibert, qui avait lui aussi évoqué le souvenir de Foucault dans A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie. Mathieu Lindon évoque aussi la figure de son père Jérôme Lindon, figure exigente et retenue. Ce qu’aimer veut dire, un titre qui cherche la trace de l’amour de l’autre dans les évocations de ceux qui ont posé les socles d'une tessiture d’homme.

 

L’amour, toujours

Pas de rentrée sans romans qui parlent d’amour. Andreï Makine nous touche au cœur avec Le livre des brèves amours éternelles (Seuil) : un récit qui retrace un demi-siècle de rencontres féminines d’un jeune homme qui démarre sa jeunesse en Russie, puis poursuit son éducation sentimentale en France. Nous suivons Makine dans ces rendez-vous manqués qui en deviennent éternels.

Cette impossibilité de retenir le bonheur de l’instant est au cœur du dernier livre de Jean-Marie Rouart, La guerre amoureuse, (Gallimard). Un livre sur le thème des affres de la jalousie et d’une passion obsessionnelle entre un critique vieillissant et une jeune étudiante finlandaise, Helene, qui se joue de lui. On ne peut pas dire que le thème soit d’une grande originalité et ces affres d’un Dom Juan sur le retour qui rêve de grandes passions pour donner un peu de piment à sa vie médiocre ne nous ont pas éblouis. Cette guerre est finalement plus proche de la bataille de polochons que de la grande passion qui nous avait tant emportés dans La vie est brève et le désir sans fin de Patrick Lapeyre.  

Sur le même thème mais d’un point de vue inverse,  la jeune romancière Emma Becker, nous livre avec  Mr. (Denoël) un impressionnant récit sur les amours adultères et passionnelles entre une Lolita en quête d’homme idéal et un chirurgien marié en plein démon de midi.

 

Les plaisirs minuscules

L’âge justement. Un sujet qui taraude ces hommes qui voient le temps leur échapper. A chacun sa méthode pour se donner l’illusion de le retenir.Philippe Delerm nous a touchés avec son nouveau recueil de textes courts, dans la même veine que fameuse Petite gorgée de bière, Le trottoir au soleil (Gallimard). Notre chantre des plaisirs minuscules nous apprend comment rechercher son petit coin de soleil au milieu du gris de la vie, surtout quand celle-ci commence à sonner l’horloge de la retraite.

Quant aux modestes choses de la vie, François Bégaudeau nous conduit à partager avec lui l’été de ses 15ans, en 1986, un été qui décrit les initiations des ados pendant leurs vacances. C’est ici que commence, La blessure la vraie (Verticales), celle qui lui a retiré le sourire… un récit en demi-teinte, qui laisse un peu sur sa faim, mais qui fait passer quelque chose de ce « flottement » émouvant.

 

L’immigration, en toile de fond

Thierry Jonquet est parti en laissant son dernier roman inachevé, mais suffisamment avancé pour que les éditions du Seuil sorte Vampires . Notre regretté maître du suspense à la française aborde le monde des immigrés et des cité , un creuset d’énergies et de violences à explorer. Rythmé et sans concession.

Le premier roman de Sylvie Ohayon, Papa was not a Rolling Stone (Robert Laffont) a aussi retenu notre attention : elle nous décrit la vie d’une fille à la Courneuve de mère juive et de père kabyle. Immigration, mixité, père absent… ingrédients du roman réaliste des années 2000.

 

Nos amis américains

Les Etats Unis restent la valeur sûre des sorties littéraires. Signalons, la sortie du cinquième tome des Oeuvres complètes de Raymond Carver, ainsi qu’une nouvelle traduction du célèbre Gatsby le magnifique de Francis Scott Fitzgerald. A peine sortie la traduction fait déjà polémique, mais elle est en tout état de cause l’occasion de se replonger dans les élégances en décadence du roi Gatsby.

Au chapitre des poids lourds, James Ellroy brille en cette saison avec La malédiction Hilliker (Rivages) : il parle des femmes qui ont marqué sa vie, de ce que furent ses addictions à la drogue et au sexe, de ses obsessions, en revenant sur l’horreur de l’assassinat de sa mère. En creux, le vocabulaire de l’écrivain. Un livre aussi sombre que ses romans noirs.

Signalons aussi le nouveau roman de John Irving, Dernière nuit à Twisted river (Seuil) : sur trois générations l’histoire d’une famille dans le New Hampshire. Une histoire d’hommes, à la lisière de la transmission et de la nature envoûtante qui les accompagne comme un décor somptueux et inaltérable.

Une nature qui est aussi à l’honneur, dans Le signal de Ron Carlson ( Gallmeister) : sur fond de vastes plaines du Wyoming le livre décrit la randonnée d’un couple en crise… Silence et contemplation pour un texte qui nous transporte loin dans la bourrasque des grands espaces.

Le petit chouchou des lettres américaines, Jonathan Safran Foer, nous revient avec  Faut-il manger les animaux ? (L’Olivier), un livre plus journalistique que romanesque qui interroge sur la bestialité de notre société et le sens de ses tendances carnivores. Cette enquête qui devrait réjouir Brigitte Bardot a reçu un accueil triomphal Outre Atlantique, car au travers de ce questionnement, Foer établit une photographie sur la « sauvagerie » de notre société  dite « civilisée ». En pleine crise éthique, ce livre résonne fortement.

Une crise annoncée avec une particulière justesse dans Totally Killer de Greg Olear écrit en 1991 (Gallmeister) qui décrit les affres d’une jeune diplômée  pour trouver un emploi dans le New York des années 90. Par une logique implacable, elle sera amenée à tuer l’un de ses concurrents … 

 

Angleterre et brosse à dents

Notre grand coup de cœur va  au nouveau roman de Jonathan Coe, La vie très privée de Mr. Sim (Gallimard).Deux ans après La pluie avant qu’elle ne tombe, le célèbre romancier anglais pénètre dans l’intimité de Maxwell Sim, un looser à la quarantaine pseudo- moderne. Il roule au volant d’une voiture hybride, est représentant en brosses à dents high tech et finit par tomber amoureux de la voix féminine de son GPS. Son sourire blanchi artificiellement sonne tout aussi faux que ce nouvel attachement virtuel. Au passage, Maxwell va trouver les traces de son père. C’est loufoque et décalé, l’auteur n’est jamais là où on l’attend, on aime  la manière dont Coe nous promène l’air de rien en 500 pages qui petit à petit nous aident à pénétrer dans l’intimité d’un être…

 

Saramago et l’œil de Caïn

Le portugais José Saramago, prix Nobel de littérature nous a quitté en juin dernier. Quelques mois avant sa disparition, sortait au Portugal, Caïn, dont la version française vient de paraître aux éditions du Seuil. Revisitant l’histoire biblique de Caïn, Sarramago attaque le catholicisme, et pose la question de la culpabilité et de la mort du frère Abel. L’oeil de Sarramago regarde Caïn  dans sa tombe… et nous aussi.

 

Face à Haïti

Dany Laferrière  était invité au festival Etonnants Voyageurs lorsque le terrible tremblement de terre a secoué son pays. Dans Tout bouge autour de moi (Grasset), il revient sur la tragédie d’Haïti, raconte ce qu’il a vu après être retourné sur place. Ce qui bouge désormais, c’est aussi sa confiance dans la pérennité du monde, du sien,comme de celui de chacun. Désormais, chaque instant est précaire, plus que jamais les mots viennent sauver la misère, l’absence de sens. Un des plus beaux textes depuis la catastrophe, dont le chant triste sonne comme un hymne à Haïti. 

 

Talents à suivre

L’israélien Benny Barbash nous avait séduit  avec son livre My first Sony(Zulma),  avec son côté baroque-loufoque. Dans Little big bang(Zulma), il suit les tribulations d’un homme obèse en Israël et nous montre les délires d’une société face à l’image du corps et la dictature de l’homme « fonctionnel ».

A l’occasion de son accusation de plagiat nous vous avions parlé d’Helene Hegemann, la jeune prodige des lettres allemandes, encensée pour son livre Axolotl roadkill. La version française paraît chez le Serpent à plumes : une occasion découvrir le monde d’une ado déjantée dans les années 2000 à Berlin. Christiane F, droguée prostituée est bien loin. Elle exprimait toute l’horreur de la dureté des années 80. Axolotl roadkill est beaucoup plus insouciant : il est question de fêtes et de fausses révoltes dans une société qui n’a pas encore pris la crise en plein fouet. A l’heure des rav party et de l’Ipod la vie des ados s’apparente à un jeu vidéo sur fond de bande sonore techno… Et pourtant il y a de l’initiation dans l’air. A lire pour comprendre la new generation.

La littérature c’est du cinéma

Pour terminer notre petit tour d’horizon, retenons deux livres qui rendent hommage à deux monstres sacrés du cinéma. Le très attendu Percival Everett brosse une biographie du célèbrte acteur emblématique de l’Hollywood des années 50 Sydney Poitier  dans Pas Sydney Poitier (Actes Sud).

De même Patrick McGilligan  consacre une véritable somme à Alfred Hitchkock, 1200 pages autant sur sa vie, que son oeuvre : Alfred Hitchcock, une vie d’ombre et de lumière (Actes Sud). Un titre un peu bateau, pour un ouvrage fleuve…Et, n'oublions pas : la littérature est partout. Même au cinéma. 

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