Critique libre

"Hors la loi" de René Belletto

 Olivier Brachat, lecteur membre de la communauté Viabooks nous livre ici ses impressions de lecture sur l'ouvrage de René Belletto, "Hors la Loi". Il souligne l'étrangeté du texte et l'agilité de l'auteur à traverser les genres.

La structure

"Hors la loi" se présente  formellement comme un écrit à structure cyclique, structure qui tire sa légitimité du thème de l’œuvre : métempsychose et les aléas des réincarnations, élargis à la dimension cosmique du sujet puisque si l’on accepte les faits tels qu’ils sont rapportés, les créatures terrestres ne sont pas les seules en scène et la redistribution du flux des âmes, notamment celles liées par une empathie particulière, se rit du lieu-mais assurément  pas du temps.

 

L'oeuvre

L’oeuvre, déroutante mais structurée, et qui ne lasse pas l’attention du lecteur, met en scène une série de personnages dont aucun ne  peut être considéré comme psychiatriquement indemne; les seuls sans aspérités  dans ce domaine étant promptement exécutés par un déséquilibré insaisissable. On s’attendrait à bon droit à ce que ces actions violentes soient expliquées, comme dans un polar,  forme que le roman affecte de prendre en ses débuts, mais il faudra se résigner à ce qu’elles ne soient que des éléments sanglants agissant  pour aviver  la névrose des uns et pour  approfondir la tragédie des autres. Sans perdre de vue que la mort, dans son aspect de catalyseur, est un personnage dont la présence est  requise  par le thème fondamental de ce livre qui traite d’une façon originale du retour dans les corps. 

 

Une partition à deux puis trois voix

Après une introduction qui ne deviendra intelligible qu’à la fin de l’ouvrage, le récit se compose d’une partition à deux puis trois voix qui décrivent : l’itinéraire d’un narrateur passablement névrosé, assez agité et excessif et qui s’exprime dans des notes fébriles à la première personne ;  la description extérieure factuelle et lisse d’une famille bien malmenée par un destin plus que tragique ; et enfin une variation inattendue mais cohérente qui avec un certain Axel nous mène bien plus loin que prévu. Le lecteur comprendra peu à peu  que les deux (puis trois) récits sont de la même plume, celle d’un Luis Archer vibrionnant et exalté autant que de la main du Luis Archer transformé par dix jours d’une  épreuve initiatique où n’auront manqué ni la peur, ni la bravoure non plus que la frénésie sexuelle  (enfin du sexe écrit admirablement !), la possession de l’Eve noire puis de la grande figure féminine de l’apaisement définitif et unifiant , sans omettre bien sur la mort qui se paye le luxe d’être et réelle (mort de l’embryon) et symbolique.

 

Des inspirations proches de Mulholland Drive.

L’ensemble du récit, peut être en raison des particularités psychologiques des acteurs, baigne dans un certain degré d’irréalité, net au centre mais accusant  une franche iridescence sur les marges, ce qui permet de faire accepter l’invraisemblance croissante des faits rapportés, au point de nous convaincre de mettre les pieds dans un vaisseau intergalactique et d’admettre sur Nomen la violation des règles élémentaires de la mécanique cosmique- mais pas celles de la symbolique ! L’ensemble aurait pu être décevant comme l’avait été  « La possibilité d’une île » de Houellebecq, mais l’auteur, rompu à la technique de l’écriture, a réussi à instiller dans cette œuvre singulière le parfum d’étrange et d’intrigant décalage onirique qui rappelle, appliqué à la littérature, ce que le film « Mulholland Drive » a pu faire ressentir à l’écran.

La traversée des genres.

Nous avions commencé un polar, nous terminons dans la mystique après avoir parcouru, avec plaisir et avec  il faut bien dire un peu le sentiment d’être mené en « vaisseau »,  différents genres dont la SF et le roman initiatique. Peut être qu’être vraiment  « Hors la loi » (bien plus que Luis Archer ou Axel qui se placent  progressivement en dehors de la loi des hommes), c’est être hors des lois de la rationalité,  hors de  la loi des genres -ce que l’auteur de Coda peut se permettre. Ou encore de tenter  d’inférer avec  la loi au dessus des lois qu’est la loi  du Karma (un mot que Belletto par subtilité se garde de nous  imposer, tout en introduisant le quatrain comme résidu karmique non nommé). Qui des trois derniers morts renaitra de la première étreinte nécessairement féconde de Clara ? Olivier Brachat

En savoir plus

René Belletto, "Hors la loi", POL.

0
 

En ce moment

Festival de Cannes 2024 : la liste des films en compétition

La cuvée 2024 de la  77e édition du  Festival de Cannes ,qui se tiendra cette année du 14 au 25 mai, a été dévoilée par Thierry

Festival du Livre de Paris 2024 : succès avec ses 103 000 visiteurs et des ventes en hausse

Le Festival du Livre de Paris 2024 se clôture sur une note de succès avec 103 000 visiteurs et des ventes en hausse de 6%. 

« Strasbourg, capitale mondiale du Livre » : du 23 au 28 avril 2024, un programme exceptionnel pour la semaine inaugurale

Première ville française désignée Capitale mondiale du livre par l’UNESCO, Strasbourg lancera le 23 avril 2024 une semaine de festivités pour ma

Prix Céleste Albaret 2024 : cinq livres dans la sélection

Le prix Céleste Albaret a été créé en 2015 par Jacques Letertre, président de la Société des Hôtels Littéraires et de l’Hôtel Littéraire Le Swann (

Le TOP des articles

& aussi