Prix Québec France-Marie-Claire Blois 2018

"Fils du feu" : Guy Boley et son cantique de la forge

Couronné par le prix Georges Brassens et plus récemment par le prix Québec-France-Marie-Claire Blois 2018, Guy Boley signe avec "Fils du feu"(Grasset) un premier roman porté par un souffle rare. Un récit qui montre des personnages nés sous les feux de la forge où s’attèle leur père, eux Fils du feu, donc fils de roi, destinés à briller. Mais l’un des deux frères décède précocement et laisse derrière lui des parents endeuillés et un frère orphelin. Une fois devenu adulte et peintre confirmé, le narrateur, fils du feu survivant, retrouvera la paix dans les tableaux qu’il crée et raconte à présent ce passé qui semble sorti d'une France légendaire.entre forgerons, gestes ancestraux et deuils impossibles. Dans une langue splendide, Guy Boley signe ainsi un texte juste et puissant. Nous partons à la rencontre de cet auteur qui a le feu sacré de l'écriture. 

1- Quel est votre sentiment alors que vous faites partie de la sélection 2016 de Cultura et que vous avez reçu le prix Georges Brassens ? 

-Guy Boley : C’était inespéré ! « Fils du feu » est un premier roman. La sortie d’un premier livre est souvent confidentielle, perdue dans la masse des nombreux romans publiés au même moment. On espère toujours pouvoir décrocher la « trimbale », mais au fond de soi, on sait que le tour a peu de chance d’être joué. De figurer parmi les talents Cultura, cette année,  je ne peux qu’être comblé. C’est le premier trophée de ma vie !

2- Qu’est-ce qui vous a amené à écrire ce roman ?

-G.B. : J’écris depuis l’âge de 7 ans. J’ai vécu de l’écriture en tant que dramaturge. J’ai écrit une trentaine de pièces de théâtre, j’écris aussi pour la danse. Les gens ne savent pas vraiment, mais on écrit aussi pour la danse. C’est un vrai travail d’écriture. Ce ne sont pas des recherches formelles, même si il n’y a pas de mots sauf pour le théâtre. J’écris des romans depuis mes 20 ans mais ils étaient plutôt mauvais… Je ne m’affolais pas. Un de fini, puis j’écrivais par la suite un autre roman. Je n’ai pas envoyé beaucoup de manuscrits aux maisons d’éditions. D’un point de vue personnel, j’aimais écrire, alors je ne m’arrêtais pas.

Pour ce roman, ce fut le travail d’une trentaine d’années. De plus d’une quarantaine de versions… Mes parents montaient des opérettes dans un quartier populaire en province. Ils s’habillaient avec ce qu’ils avaient sous la main. Ma maman portait une robe de chambre avec des fleurs sur les cheveux et mon papa une fausse moustache… Mon rôle était d’être derrière le tourne-disque et mes parents chantaient pour les voisins… En fin de compte, à travers cette histoire d’opérette familiale, est né le roman « Fils du feu ». Et puis, la forge m’est revenue,  car j’avais complètement oublié de le stipuler dans mes autres versions. Ce livre est sorti presque tout seul.

3-Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’histoire ?

-G.B. :’Au sujet de mon livre, je pense beaucoup à une phrase de Raymond Queneau qui disait: « Il y a deux sortes de romans. Il y a des Iliades et des Odyssées. » Une Iliade, c’est un microcosme qui éclaire un macrocosme et l’Odyssée, c’est un individu qui acquiert ou confirme l’expérience d’une personnalité. Pour moi, c’est une Iliade, c’est-à-dire le microcosme qui va éclairer le macrocosme. Le microcosme dans mon roman est une maisonnée dans un quartier populaire d’une petite ville de province. Dans cette maison, il y a quelques familles mais les personnages qui figurent dans mon roman ne sont pas très nombreux. La maison est près des chemins de fer, les locomotives ont joué un certain rôle dans l’histoire.

On voit des gens vivre dans cette maison dans des rôles plutôt fraternels. C’est  l’histoire du père, forgeron qui va incarner plus en profondeur « la forge ».  Tout se déroule bien jusqu’au moment où le petit frère du narrateur meurt. À partir de là, c’est un peu comme la deuxième partie dans l’histoire du roman. Malgré cette mort, la vie suit son cours, le monde évolue… Les côtés populaires, sympathiques et même humains. Mais cela se détériore avec l’arrivée du progrès. À partir de ce microcosme, le roman va éclairer le macrocosme du monde qui passe de l’époque des Trente Glorieuses, à celle de maintenant.

4- Vous employez souvent le mot « éclairer », le fil conducteur de la forge c’est un peu comme un magnifique symbole de l’alchimie de la vie?

-G.B. : Quand je parle de la forge, je parle aussi souvent de mythologie. Je n’étais qu’un enfant au moment où  j’ai vécu cette histoire. C’est en quelque sorte, un roman autobiographique. Je suis fils de forgeron, mon père travaillait avec un autre forgeron à Armégual. En écrivant cette histoire, je suis retourné dans mon passé puis j’ai sublimé cette histoire. En revanche, je n’ai pas sublimé la part mythologique, car dans les yeux d’un enfant, quand nous voyons deux forgerons taper avec une grande puissance sur une enclume, cela reste pour toujours dans notre mémoire.

5-  Dans cette alchimie, il y a différentes étapes jusqu’à cette lumière du feu…

-G.B. : Le corps-à-corps réside dans la mort du petit frère. Il existe une puissance métaphysique dans le sens où le narrateur perd tous ses repères. Dans cette alchimie, on part du principe que l’éducation religieuse nous forge une certaine mythologie. Après la mort de son frère, le narrateur ne croit plus en rien. Le corps froid de son frère va résonner avec la chaleur de la forge.

6 - Parmi tous les livres que vous avez écrits et pas encore publiés, y en a-t-il un qui pourrait nous émerveiller?

-G.B. : Je travaille à un futur roman avec mon éditrice et j’ai encore choisi de partir du personnage du père dans « Fils du feu ». Bien évidemment, d’une autre manière, mon père portera son vrai nom « René Boley ». Il va exister en tant que caractère principal au milieu de personnages célèbres : un musicien de jazz, un boxeur et une chanteuse. Le roman a pour prétention de faire croire que ces quatre destins n’en forment qu’un. À mes yeux, le plus intéressant dans la littérature c’est « la destinée ». C’est le thème qui m’intéresse le plus. Pour une femme, il y a la maternité. Mais pour un homme, il ne peut pas porter l’enfant. Alors il lui reste l’alchimie et la destinée.  

7- Vous avez une grande admiration pour votre père?

-G.B. : Oui, je voudrais que mon père soit dans ses étoiles… Il est aussi célèbre que les autres par son métier de forgeron. Même si l’alcoolisme l’a rattrapé surtout après la mort de son fils. Il était extraordinaire. 

>Guy Boley, Fils du feu, Grasset

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