"L'autre qu'on adorait"

Catherine Cusset face au soleil noir de sa jeunesse

Catherine Cusset évoque dans son dernier roman, L’autre qu’on adorait (Gallimard), un ami qui fut son amant et qui s’est suicidé. Ce livre, comme un éloge funèbre, dresse le portait sincère de Thomas, un intellectuel beau et drôle qui dévorait la vie. Un texte sur la fascination que suscitent les êtres météores, leurs fêlures cachées et la fin de la jeunesse. Le livre fait partie de la dernière sélection du Prix Goncourt.

Catherine Cusset, un parcours d'excellence     

Née à Paris en 1963 Catherine Cusset passe sa jeunesse à Boulogne Billancourt. En septembre 1986 elle rencontre Philippe Sollers après lui avoir envoyé un texte sur Sade. Sollers publie “Les larmes de Justine” dans sa revue, L’infini, et, l’année suivante, d’autres textes sur Balzac, Laclos, et Voltaire. Ancienne élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm et agrégée de lettres classiques, elle a fait notamment une thèse sur le marquis de Sade et a enseigné la littérature française du XVIIIe siècle à l'université Yale, aux États-Unis. En 1990 elle publie son premier roman, « La blouse roumaine », dans la collection L’infini. Le roman, trop discret, passe inaperçu. Après douze ans dans l’enseignement Catherine Cusset décide de consacrer tout son temps à l’écriture. Elle réside depuis une vingtaine d’année aux Etats Unis où elle vit avec son mari américain et sa fille. A ce jour, elle est l'auteure d'une dizaine de romans traduits dans une quinzaine de langues.

Naissance d'une œuvre 

Malgré des débuts peu remarqués Catherine Cusset persévère dans la littérature et consacre tout son temps à l’écriture. De cette persévérance naitront des œuvres clefs de sa carrière.

  • En toute innocence, 1995 (Gallimard) : Sur un ton innocent et pervers, Marie raconte sa vie entre douze et vingt ans. Huit années défilent à toute allure, scandées par des amours: Jean, Bruno, David, Sébastian, Walter. Marie découvre le monde et pose des questions simples : Comment peut-on être vierge à vingt ans ? Comment peut-on ne pas parler anglais ? Comment peut-on ne pas devenir folle ? À trois reprises, dans la vie de Marie, l'amour rencontre la mort. Trois cadavres jalonnent le récit des passions enfantines. Le roman, qui paraît dans la collection blanche, reçoit un accueil critique enthousiaste. Il sera d’ailleurs nominé pour le prix Goncourt et le prix Femina. Cet œuvre marquera la véritable entrée sur la scène littéraire de l’auteure.

  • Le problème avec Jane, 1999, (Gallimard) : Une jeune Américaine enseignant dans une grande université reçoit un manuscrit anonyme intitulé “Le problème avec Jane”. Le manuscrit comptait trois cent soixante pages et s'achevait sur cette phrase : "En bas elle trouva le paquet avec le manuscrit."  Ce livre décrit dans le plus grand détail l'existence qu'elle a menée depuis dix ans. L’héroïne va donc chercher à démasquer l’auteur parmi ses ami(e)s, collègues, ou ex-amants. Finaliste pour le prix Médicis en 1999, lauréat du prix des lectrices de Gaël en Belgique en février 2000, et grand prix littéraire des lectrices d’Elle 2000, « Le problème avec Jane » est le premier des romans de Catherine Cusset à connaître un succès commercial.
  • Un brillant avenir, 2008, (Gallimard) : Cette œuvre couvre presque un demi-siècle et entrelace deux histoires. Celle d’Elena, une jeune Roumaine qui a grandi dans la Roumanie antisémite de Ceauscescu et qui réussit à émigrer à quarante ans aux États-Unis avec son mari juif et son fils unique. Puis un récit plus contemporain qui relate le rapport conflictuel entre Elena, devenue Helen, et sa belle-fille française. Ce roman évoque le retour sur le passé que l’on croyait enterré. « Un brillant avenir » reçoit le Prix Goncourt des lycéens 2008.

« L’autre qu’on adorait » un roman sur  la trace indélébile des chagrins

Le douzième roman de Catherine Cusset, finaliste pour le prix Goncourt, a reçu un acceuil très positif de la part des critiques littéraires. La romancière avec son oeuvre singulière à toute ses chances pour cette édition 2016.  

"L'autre qu'on adorait", une histoire intime : "Quand tu penses à ce qui t’arrive, tu as l’impression de te retrouver en plein David Lynch. Blue Velvet, Twin Peaks. Une ville universitaire, le cadavre d’un garçon de vingt ans, la drogue, la police, une ravissante étudiante, une histoire d’amour entre elle et son professeur deux fois plus âgé : il y a toute la matière pour un scénario formidable. Ce n’est pas un film. C’est ta vie." L’autre qu’on adorait fait revivre Thomas, un homme d’une vitalité exubérante qui fut l’amant, puis le proche ami de la narratrice, et qui s’est suicidé à trente-neuf ans aux États-Unis. Dans cette œuvre l’auteure s’adresse directement à cet homme par le tutoiement. Catherine Cusset nous décrit vingt-deux ans de la vie de Thomas, un garçon brillant, exubérant, grand séducteur, aimant la fête, les femmes et le vin. Cependant tout au long de son existence il saborda sa carrière professionnelle et sa vie amoureuse.

Pourquoi ce livre nous touche: A travers cette ode à son ami disparu, l’auteure s'interroge sur la conception française de l'échec et de la réussite. Ce livre dépeint la souffrance de ceux que la société stigmatise et finit par broyer. L'écrivaine témoigne de la descente aux enfers vers la dépression de son ami et cette fin inéluctable. Ce sujet difficile est traité avec un style et une élégance propres à Catherine Cusset, toujours très agréable. Un bel hommage à son ami sans complaisance mais avec beaucoup de tendresse. On ne veut pas que cette oraison funèbre se termine et on referme le livre avec tristesse. Une belle écriture pour une belle lecture. Le "soleil noir de la mélancolie" nous poursuit longtemps après. Catherine Cusset livre ici peut-être son plus beau livre. Certainement le plus personnel.

Extraits

"C'est la maladie, pas toi, qui a ruiné ta carrière. Le découvrir est un soulagement. Mais qui es-tu, toi, ballotté par des humeurs sans lien avec les événements de ta vie, comme un navire sans gouvernail voguant au gré des flots ? Que reste-t-il de toi derrière la maladie si même le goût des jeux de mots et des allitérations, lis-tu dans le livre d'un psychanalyste, pourrait être une des marques du cerveau bipolaire dans la phase d'hyperactivité ?"

"La vie véritable est dans les fragments de temps qui échappent au temps. La fameuse madeleine n'est rien d'autre que la rencontre du présent et du passé qui permet de sortir de l'angoisse de la mort en n'étant ni dans le passé ni dans le présent mais entre les deux."

En savoir plus

>Visionner une vidéo dans laquelle Catherine Cusset parle de son livre

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