Coup de cœur

« Sans compter la neige »: le road trip vers la paternité de Brice Homs

Un auteur français, américain d’adoption, habitué des textes musicaux et des scripts de cinéma. Un premier roman qui ressemble à un film avec le tempo d’une chanson. L'histoire d’un futur papa qui part en voiture depuis Washington rejoindre sa femme en train d’accoucher au Texas. Et comme la météo s’en mêle, la neige s’invite au rendez-vous. Sans compter la neige (Les Escales) de Brice Homs se lit avec jubilation et laisse chez le lecteur une longue trace d’émotion, en résonance avec cet interminable voyage en Amérique rurale. Cela donne un livre qui fait du bien en cette rentrée de janvier toute grise. Une réussite.

Portrait de Brice Homs. Photo Olivia Phélip.

Légende photo : Portrait de Brice Homs. Photo Olivia Phélip.

Parfois un chemin intérieur prend la forme d’une longue route. C’est ce qui arrive à Russel Fontenot, le héros de Sans compter la neige (Les Escales) lorsqu’il quitte sa conférence à Washington, pour rejoindre sa femme sur le point d’accoucher au Texas.

Prendre la route seul avant de devenir père

« J’étais sûr que cela allait arriver aujourd’hui » avait–il pensé en allant à sa réunion, alors que sa femme était « bien enceinte ». La vie prend toujours par surprise. Lui, davantage encore que ses congénères. Lui, l'éternel jeune homme qui se débrouille tant bien que mal avec les contraintes, comme avec son panier de linge sale. Ce n'est pas comme sa femme, Jenny, qui sait toujours, elle, ce qu’il faut faire. Bel hommage à un personnage féminin, puissant, absent du présent du livre, mais étonnamment présent tout au long du récit. On comprend combien elle façonne son « homme ». Pourtant à cet instant, elle n'est pas avec lui. Il doit faire la route « seul ».

Un road trip de Washington à Dallas

Ce trajet en voiture conduit Russel à traverser les montagnes des Appalaches, en un itinéraire semé d’embûches et de météo hostile. Au volant de son véhicule, lorsque le paysage défile comme sur un écran, le narrateur se souvient de son enfance, de ce père qu’il n’a jamais compris. Il se « refait le film » de sa relation avec sa femme. Il sait qu’il va devenir père, mais pendant ce road trip, il circule comme en transit dans sa propre existence, remet de l'ordre « là où il en est de lui-même », avant de devenir un autre.

L’horloge du temps qui s’écoule pendant que les paysages défilent

Sans compter la neige compose ainsi un voyage à remonter le temps et les souvenirs, au gré des réflexions solitaires du narrateur, entre deux états, deux âges, deux vies. L’horloge est le compteur qui désigne une partie des chapitres de Trois heures trois à Dix heures dix, tel le chronomètre qui compte les minutes et les heures qui s’écoulent. Comme une caméra embarquée qui tourne dans la voiture, qui épouse le rythme et les événements avec une sensibilité sans filtre. Et tient le lecteur en haleine.

La Louisiane en mémoire et la montagne en paysage

On se trouve pris par le tempo, on entend la musique du Sud, le son des voix des personnages. Le récit alterne dialogues et descriptions en plans plus ou moins rapprochés. Les réminiscences du passé fonctionnent comme des flash back sur l’enfance du narrateur en Louisiane. Elles sont l’occasion de belles évocations de cette région porteuse de mémoires et de légendes. Ainsi voyageons-nous dans l'intime du narrateur, parfois absorbé par l'instant, parfois immobile, silencieux, s'exprimant à fleur de lignes.

Un héros d'Amérique

Brice Homs reconnaît avoir mis beaucoup de lui dans le héros de son livre. Ce Russel s’avère vivant, incarné et tellement attachant ! Gauche, spontané, inattendu, attendrissant. Il ressemble à tant d’hommes qui deviennent pères avec une immense émotion et une intense maladresse.

 Ce premier roman très abouti, écrit par un professionnel des mots (auteur de nombreuses chansons et scripts) possède le rythme de la musique, le tempo des films et la profondeur d’un livre. Il traverse les cultures avec brio, entre France et Amérique. 

Quand la neige prend des couleurs

Avec ses multiples images et scènes écrites sur le vif, le roman de Brice Homs réussit l’exploit de donner des couleurs à la neige. « J’essaie d’écrire des romans dans lequel on a envie d’habiter » écrit-il à la fin de son livre. Celui-ci fleure bon la cuisine cajun, le froid lumineux et l’air piquant des Appalaches. On s’y sent bien.
On salue la sensibilité d'un auteur qui ose parler de la paternité d'un homme « hors des sentiers battus ». On se laisse bien volontiers emporter par son récit, qui nous conduit avec tant de charme sur les chemins de la vie. Et on se dit qu'on repartirait bien en voyage avec lui dans un prochain livre.

>>Brice Homs, Sans compter la neige, Les Escales, 192 p, 17,90 euros

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