Axel Dauchez:«Rendre la Culture accessible, une chance pour tous»

Légende photo : Axel Dauchez présentant le programme de l'Accès à la Culture pour tous. © Photo Make.org
Quoi de neuf  en 2020 ? La Culture. Pas celle du club fermé des intellectuels, mais celle qui invente un chemin pour s'adresser à chacun, selon son âge, son lieu de vie. Axel Dauchez a fondé l'association Make.org en 2017, car après avoir réussi sa vie d'entrepreneur, il a souhaité accomplir sa vie de citoyen, faire bouger ce qui pouvait l'être dans la société, pour "mieux vivre ensemble", inventer les harmonies du monde de demain, réhumaniser les échanges. Or quoi de plus fort que la Culture pour tisser un langage commun et rassembler? Mais comment rendre celle-ci plus accessible, comment l'ancrer dans le quotidien de chacun ? Ainsi a été lancée en 2018 une consultation nationale « Comment rendre la culture accessible à tous ? », via la plateforme Make.org qui a recueilli 393 000 contributions, dont ont jailli 2 500 propositions.
Ces résultats ont permis de faire émerger 10 idées considérées comme prioritaires. À l’occasion d’ateliers de travail, les associations et partenaires de cette Grande Cause, notamment la Fondation Engie et la Fondation Accenture, ont transformé ces idées citoyennes en six actions concrètes pour rendre vraiment la Culture accessible à tous. 2020 : ces projets entrent dans leur phase de réalisation. Le point avec Axel Dauchez en ce début d'année.

Viabooks : Pouvez-vous rappeler la spécificité de Make.org?

-Axel Dauchez : Make.org est une initiative civique, européenne et indépendante qui a pour vocation de lancer des réflexions citoyennes, de les analyser et de mettre en place des plans d'actions concrètes pour aboutir aux objectifs définis. Notre originalité est d'utiliser tous les outils possibles, notamment numériques, pour permettre une remontée des propositions et des idées. Nous nous inscrivons dans une démarche interactive, car il nous semble que si l'on veut faire bouger les choses, il faut d'abord comprendre les besoins. Pour notre Grande cause nationale concernant l'accès à la Culture, des milliers de citoyens se sont engagés en participant à la consultation. Nous avons reçu de nombreuses propositions. Avec notre méthode basée sur des ateliers et des groupes de travail, nous avons tiré des axes prioritaires d'actions. Nous y voici. Notre objectif est qu'en 2020 ces belles idées ne restent pas lettre morte. 

Deux actions parmi les six priorités de Make.org en faveur de la Culture concernent les personnes en situation de handicap. N'est-ce pas la surprise de votre grande consultation nationale ?

-A.D. : En effet, nous avons été heureusement surpris de constater que de nombreux citoyens ont formulé des propositions en direction des personnes handicapées, signe qu'il y a beaucoup à faire en ce sens. Ceci nous a amenés à définir deux actions. 
La première concerne le besoin d'adapter l'accessibilité des lieux de spectacle pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite. Nous avons de ce fait imaginé un "E-learning Accessibilité +" qui permettra de former l’ensemble du personnel de lieux culturels, en contact avec le public, à mieux accueillir et accompagner les visiteurs en situation de handicap.
La deuxième action est l'idée de créer un "Programme court handiartiste". Il s'agit de produire une série de programmes courts pour mettre en lumière la richesse des œuvres artistiques réalisées par des personnes en situation de handicap (tout type de handicap et d’oeuvres). Ceci dans un souci de meilleure inclusion de ces artistes, mais aussi de meilleure compréhension du public pour leurs oeuvres.

Vous lancez aussi La Place est libre !, une nouvelle manière de dynamiser les salles de spectacle et de favoriser leur accès à des personnes qui n'en sont pas toujours familières...

-A.D. : Ceci est un de nos axes d'action. Nous avons constaté que de nombreux freins sociaux et financiers empêchent l’accès à la culture des personnes vulnérables (précaires, en situation d’exclusion…) : "La Place est Libre" permettra de réduire ces freins en mettant à disposition des billets gratuits et un accompagnement adapté aux bénéficiaires pour leurs activités culturelles (spectacles, musée…). Le but est véritablement de permettre à des publics souvent exclus des manifestations culturelles de pouvoir y avoir accès.

Vous avez aussi choisi d'agir à la source même de la création ou de la diffusion de l'offre culturelle souvent très inégale selon les territoires. 

-A.D. : Ceci nous a semblé prioritaire. Nous avons appelé "Choisissons le programme" cette initiative. Nous avons imaginé une plateforme invitant tous les citoyens à s’approprier les événements et projets culturels de leurs territoires, en contribuant directement à la programmation de ces derniers. Cette plateforme facilitera l’identification des opportunités de cofinancement des projets pour les collectivités, afin de leur permettre de proposer des programmes qu’elles n’auraient pas pu financer seules.

Quid des stars? Des figures de proue de ce qui constitue notre culture ?Vont-elles vous aider ?

-A.D. : Aujourd’hui, il est incontestable que les personnalités grand public ont un vrai pouvoir d’influence. C'est dans cet esprit qu'a émergé "Une Star, Une Oeuvre", qui va mobiliser les influenceurs comme des ambassadeurs. Ces "influenceurs" seront associés à un programme d’éducation culturelle pour faire découvrir au grand public la diversité sous toutes ses formes. Pendant une semaine, tous les jours, des vidéos de personnalités expliquant une oeuvre d’art seront diffusés sur les réseaux sociaux. L’objectif est de créer du dialogue et des échanges autour de la culture, de manière ludique, simple et incarnée.

La Culture concerne aussi l'échange, l'éducation. Les outils numériques ouvrent de multiples voies en ce sens. Comment allez-vous les utiliser ?

-A.D. : Il est ressorti une vraie demande dans le sens de l’éducation artistique et culturelle dans les écoles. Comment favoriser les collaborations inter-écoles ? Nous avons mis en place l’action "Co-Visite" qui permettra aux élèves de partager entre eux avec des élèves d’autres territoires, des pratiques de spectateurs et des pratiques artistiques autour d’oeuvres ou de thématiques spécifiques, lors d’ateliers numériques jumelés entre deux classes. Nous croyons beaucoup à cette source d'échanges dès l'école pour sensibiliser les très jeunes à l'art et la culture.

On sent que vous prenez particulièrement à coeur la mise en place de cette Culture pour tous. Pourquoi cette cause plutôt qu'une autre ?

-A.D. : J'ai créé Make.org pour m'engager dans le "mieux vivre ensemble" au sein de notre société. La Culture est le tissu du lien, de l'expression. Elle n'est en aucun cas secondaire. Elle est au contraire, selon moi, essentielle. La France fait déjà beaucoup pour la vie culturelle, c'est une chance. Mais il manque des passerelles, si bien qu'il y a encore de nombreux exclus du système. Make.org donne la parole à tous. C'est un formidable levier pour faire émerger des idées. Et ensuite de pouvoir agir là où il ressort un besoin. J'ai été un entrepreneur. Je mets au service de ces causes mon sens de la méthode et de l'action, avec l'aide de nos nombreux partenaires.

Une méthode qui fait peut-être des envieux ? Est-ce que le monde politique ne devrait pas aussi se fonder sur davantage d'interactivité ?

-A.D. : Le politique et l'associatif ont des fonctions complémentaires. Notre rôle est justement d'agir là où le politique ne peut le faire. Notre plateforme de partage d'idées est un réservoir dans lequel les politiques peuvent puiser pour mieux comprendre les attentes des concitoyens. Nous sommes là pour collaborer en bonne intelligence. C'est pourquoi le Ministère de la Culture ainsi que le Secrétariat d'Etat chargée des personnes handicapées nous ont apporté leur soutien. 

>>Plus d'informations sur le site de Make.org